Ce n’est que depuis 2001 que l’homosexualité n’est plus une « maladie mentale » en Chine. En 2010, un chercheur de l’OMS estimait à 40 millions les Chinois homosexuels (同性恋, tóngxìngliàn). Ce chiffre se trouve être aussi celui des membres du site gay Blued, l’application mobile créée en 2012 par Ma Baoli, ancien policier de Qinhuandao (cf photo) qui est devenue depuis le plus grand site de rencontres du monde sur internet. Blued est aussi actif à l’étranger, y comptant 12 millions de ses inscrits. Le site permet de tchatter, partager ses vidéos en live, et de géolocaliser les autres homosexuels du voisinage.
A présent, suite à une enquête de Caixin, Blued fait parler de lui, accusé d’avoir laissé s’inscrire des mineurs (dont les plus jeunes avaient 12 ans). Certains auraient été poussés à consentir à des relations sexuelles avec des adultes, et contracté le Sida. Pourtant, le contrôle du Sida en Chine est plutôt meilleur qu’ailleurs, avec seulement 820.756 séropositifs détectés en juin dernier, 0,1% de la population, un bilan comparable à celui d’Europe. Mais sur les 12 derniers mois, le chiffre avait augmenté de 14%. Sur ces nouveaux malades, 93% avaient été infectés par voie sexuelle, dont 30% par voie homosexuelle. Mais les jeunes homosexuels deviennent actifs toujours plus tôt, et se donnent pour objectif n°1 de s’enregistrer sur l’application. Faisant usage de subterfuges toujours plus ingénieux, ils refusent de se laisser exclure du « club des adultes ».
En réaction à ce scandale, Blued bloquait toute nouvelle inscription pendant une semaine, le temps d’écarter les mineurs mentant sur leur âge, et tout contenu inapproprié – tel des images de poitrines dénudées, de streaming en salle de bain, ou de pieds en chaussettes blanches (considérées comme très suggestives en Chine).
Pourtant, Ma Baoli affirme n’avoir pas démérité, de par son travail d’éveil des groupes à risque, et de prévention du Sida : « Nous sommes probablement les plus avancés du pays en la matière, et en tout cas, ceux qui ont fait le plus ». Sauf que Blued n’est pas habilité par les autorités à vérifier l’identité de ses utilisateurs. Une telle mesure provoquerait sûrement la baisse du nombre d’utilisateurs de Blued, mais protégerait les mineurs, récréant la confiance au sein de la communauté LGBT.
Sommaire N° 2 (2019)