Hong Kong : Le nouveau « secrétaire du Parti » de la RAS

Sans surprise, le chef du Bureau de Liaison à Hong Kong, Wang Zhimin, était limogé le 4 janvier. Sur la sellette depuis plusieurs mois, il perdait son poste pour n’avoir su anticiper le vent de contestation à l’encontre du projet de loi d’extradition, ni la défaite cuisante du camp pro-Pékin lors des élections de district en novembre. Depuis le début de la crise en juin 2019, c’est le premier remaniement de l’administration chinoise sur le « rocher » : il était en effet plus facile pour Pékin de se défaire de Wang, que de limoger l’impopulaire cheffe de l’exécutif, Carrie Lam.

Le profil de son remplaçant, Luo Huining, est intéressant à plusieurs égards. Quoique loyal à Xi Jinping, il n’appartient pas à l’une de ses factions. En cas d’échec de Luo, cela n’entachera pas la légitimité du Président. Mais s’il réussit, le crédit reviendra à Xi, pour avoir choisi la bonne personne. En outre, Luo dispose de solides appuis au sein du leadership. Dans sa province natale de l’Anhui, il travailla aux côtés de Wang Yang, actuel n°4 du Parti. Puis il s’envola pour le Qinghai, province pauvre dont est originaire le Dalaï-Lama, où il passa 13 ans. Luo y était posté lorsque les émeutes éclatèrent à Lhassa en 2008, puis Luo fut en première ligne pour mener les efforts de reconstruction après le tremblement de terre à Yushu en 2010, qui fit près de 3 000 morts et 12 000 blessés. C’est là qu’il rencontra Zhao Leji, n°6 du Parti. Ensuite, il fut appelé à la rescousse dans le Shanxi, province considérée comme un champ de mines politique en raison de la collusion notoire entre patrons miniers locaux et cadres de diverses factions. Cela n’empêcha pas Luo de purger efficacement l’appareil de ses « mauvaises pommes » (neuf leaders de niveau provincial, et des dizaines de cadres préfectoraux tombèrent sous son mandat) et de relancer l’économie en misant notamment sur le solaire. A 65 ans, il devait prendre sa semi-retraite fin 2019. Mais le Parti avait décidément bien du mal à se passer d’un homme aussi précieux : dès le retour de Xi Jinping de Macao mi-décembre, sa nomination à Hong Kong était validée. Ce qui pourrait suggérer une implication directe du N°1 du pays dans la résolution de la crise hongkongaise, n’hésitant pas à briser les conventions internes du Parti au nom de la sauvegarde des compétences. Rappelons les précédents de Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque de Centrale qui quitta son poste à 70 ans, ou celui de Wang Qishan, fidèle allié de Xi et vice-Président de la RPC, siègeant toujours au Comité Permanent à 71 ans.

Luo est donc le chef du Bureau de liaison le plus âgé (65 ans) et le plus expérimenté (grâce à ses différents mandats en province) que l’institution ait jamais connu. A Hong Kong, ce profil marque une rupture claire avec ses prédécesseurs, plus jeunes et moins élevés dans la hiérarchie, mais qui pouvaient justifier d’une meilleure maitrise des affaires de la RAS. Aux yeux de Pékin, l’inexpérience de Luo à Hong Kong n’est pas problématique : elle lui permettra au contraire d’y appréhender la situation avec des yeux neufs, non biaisés, et envoyer à Pékin des comptes-rendus plus représentatifs de la situation réelle. Elle pourrait aussi lui permettre de prendre des mesures sans avoir peur de déplaire aux milieux d’affaires hongkongais, et de traiter plus impartialement que ses prédécesseurs avec la société dans son ensemble.

Le 6 janvier, Luo bouscula les traditions dès son entrée en fonction, en tenant sa première allocution dans les locaux mêmes du Bureau de Liaison et non pas à l’extérieur comme habituellement. Ce geste symbolique laisse présager d’un rôle plus actif du Bureau dans les affaires de l’ex-colonie britannique, dépassant sa mission initiale de « messager » entre Pékin et la RAS. Ce changement de tactique fut plus clair encore trois jours plus tard, lors de la première rencontre officielle entre le nouvel homme fort et Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif. A cette occasion, il lui édicta quatre consignes : « s’assurer que soient satisfaites les demandes de Pékin sur la mise en œuvre du principe « d’un pays, deux systèmes » , redoubler d’efforts pour mettre un terme aux violences, améliorer l’économie et l’existence des citoyens, et renforcer la communication sur la gestion des problèmes  ….». Une telle mise en demeure pourrait donc être suivie d’une relance des efforts de l’administration locale pour imposer une loi sur la sécurité nationale, dérivée de l’article 23 de la Loi fondamentale. Plusieurs experts prédisent une telle tentative avant les élections du Legco en septembre prochain. Il s’agirait aussi de réformer un programme scolaire jugé à Pékin trop « libéral »., de poursuivre tambour battant l’intégration économique de Hong Kong dans la « Greater Bay Area », de multiplier les « annonces publiques » à la TV et à la radio, et de réprimer les manifestations, notamment par de larges coups de filet de la police. Cependant, on ne peut se cacher que ce plan est aux antipodes exacts des espoirs des espoirs des Hongkongais…

De son côté, Luo se chargera de la tâche la plus urgente : préparer les prochaines élections au Legco à l’automne 2020 pour s’assurer que le camp pro-Pékin remporte au moins 36 sièges sur les 70. En 2016, le camp de Carrie Lam avait obtenu une courte majorité. Cette année, la bataille s’annonce autrement plus rude : Luo ne peut pas compter sur les anciennes figures politiques dont certaines se sont désolidarisées, tandis que d’autres ont perdu leur siège aux conseils de district. Luo n’aura donc que neuf mois pour trouver de nouveaux candidats susceptibles d’obtenir la confiance de l’électeur. Mais si l’opinion publique continue à soutenir la contestation, il n’est pas exclu que les pro-démocrates l’emportent… Sous cette perspective, ce dernier mandat de Luo semble bien s’apparenter à une « mission impossible ».

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