Economie : Une croissance brillante, mais sans profit ?

En ce début de 2017, l’économie chinoise offre un visage très différent suivant qu’on l’aborde sous l’angle financier ou productif. Dans le 1er cas, banque, bourse et leurs tutelles donnent des signes d’inquiétude. Mais côté industriel, tout va bien !

Au 1er janvier, l’autorité financière a limité le droit des citoyens à exporter par an jusqu’à 50.000$ (en devises). Ils ne pourront plus placer à l’étranger, ni en immobilier, ni en assurance-vie, actions ou obligations.

Au 1er juillet, les banques devront déclarer toute sortie de plus de 28.800$, et tout dépôt intérieur, retrait ou transfert de plus de 50.000¥ (7200$) « douteux ». Le 6 janvier, la Banque Populaire de Chine (BPdC) fixe un taux du yuan en hausse de 0,9% sur le billet vert. Régulièrement aussi, les consortia reçoivent l’ordre de rechanger en yuan une part de leurs devises. Enfin, très populaires en Chine, les centres de bitcoin sont mis sous surveillance — avec pour résultat une baisse de 10% de cette monnaie virtuelle sur le yuan.

Puis le coût interbancaire du yuan à Hong Kong monte de 61%, décourageant les opérateurs « short sellers » qui cessent de profiter de leur pari sur la baisse du yuan.

Tout cet arsenal est mis en branle contre la fuite des capitaux, évaluée  en 18 mois à 1100 milliards de $, y compris les 320 milliards dépensés par la BPdC (dont les réserves retombaient en décembre à 3000 milliards $) en maintien de la parité  yuan/dollar à 6,93/1. Egalement inclus les 190 milliards de $ d’investissements chinois directs à l’étranger (IDE), en hausse (par exemple)  de 77% en Europe. Cette fuite a contribué à déprécier le yuan de 7%, une tendance qui se poursuivra en 2017, croient les pronostiqueurs, pour atteindre -peut-être- 7,2% en fin d’année. La dévaluation lente peut aider à consolider les exportations. Mais elle augmente aussi la dette extérieure. Et surtout, cette fuite des capitaux signifie autant de fonds qui échappent à l’impôt, et qui ne financeront plus des projets intérieurs.

Le fond du problème, est le gel de facto de la réforme financière, suite à un mini-crash financier 12 mois en arrière. Xiao Gang, Président de la CSRC (tutelle de la bourse) avait introduit en bourse un effet « gâchette » pour suspendre toutes transactions après 7% de perte de valeur par jour. Mais l’effet avait été pervers, angoissant les porteurs : 5000 milliards de $ de valeur avaient été grillés et la gâchette avait disparu au bout de 4 jours. Xiao fut limogé. Depuis, toute réforme financière est au placard, telle l’ouverture des comptes capitaux permettant le libre-échange.

Fin décembre en présence du Président Xi Jinping, le sommet financier annuel prorogea la ligne : stabilité plutôt que réforme, le temps de mettre en place l’administration du  quinquennat 2017-2022. L’objectif est aussi une réduction de l’objectif de PIB—on parle de 0,5%, pour rendre plus durable l’effort de  croissance. On vise aussi le désendettement des provinces et des consortia. L’émission de crédit, devrait s’alléger.

Tout cela est fort bon, mais semble du bricolage plus qu’une refonte du cadre financier (taxation, crédit…), seule remède crédible. Sous la chape d’intervention de l’Etat et la dévaluation lente, comment écarter la tentation de protéger son patrimoine ? Ce risque étant renforcé par l’inconnue de l’arrivée de Donald Trump, le théâtral chantre de l’anti-Chine.

Nonobstant, à en croire les chiffres, l’économie « va bien ». L’objectif de PIB de 2016 (6,5%) a été dépassé, à 6,7%. Au passage, ce succès du Premier ministre Li Keqiang renforce ses chances de sauver son poste au prochain quinquennat.

Décembre a vu l’indice des prix à la consommation décélérer à +2,1%  (+2,3% en novembre), et celui des prix usines monter de 5,5% (3,3% en novembre). Et le « Chunjie » (Nouvel an lunaire, 28 janvier) promet un coup de fouet au commerce et aux industries.

Cependant, loin d’avoir été acté par le marché, ce bon climat a été voté au Comité Permanent, à coup de planche à billets. L’Etat finance les grands chantiers publics tels ces 800 milliards de yuans promis aux seuls chemins de fer en 2017. Les commandes d’acier, de béton et de verre font tourner les grands groupes, et vont irriguer en cascade les PME.

Puis le crédit bancaire est la seconde mamelle de la Chine : 180 milliards de $ en 2016, 13% de plus qu’en 2015 selon Zhou Hao (Commerzbank, Singapour), et pour le mois de décembre, 30% de plus qu’attendu. Ces prêts se sont déversés pour moitié sur l’immobilier (achats d’appartements), et pour 48% aux corporations – en refinancement, pour compenser leur absence de bénéfices. 

La presse annonce même, d’ici 5 ans, 415 milliards de $ de chiffre d’affaires dans les énergies renouvelables d’ici 2020 (grâce aux 361 milliards d’investissements promis dans le secteur), agrémenté de 28 millions d’emplois neufs.

D’autres mini-réformes tentent un nouveau départ. On cite la privatisation de 51% de la ligne ferroviaire Hangzhou-Taizhou. Mais ces ouvertures très timides risquent d’abord de ne pas trouver preneurs. Elles révèlent la réticence publique à céder le contrôle.

Toute la question est de savoir si la vapeur du crédit public suffira pour boucler l’année. McKinsey, dans sa dernière prédiction sur les performances chinoises en 2017, voit au second semestre, des « dépenses de consommation avancer à un pas inférieur au nécessaire pour atteindre la croissance. Alors, on assistera à un surcroît d’investissements d’infrastructures, d’immobilier, et au final, un semestre plus cahoteux ».

Un jugement critique, mais corroboré par cette dernière remarque de Zhou  Hao : la croissance du crédit en 2016 a été de 13%, mais celle du PIB de 6,7%. Signe ultime et indiscutable que cette « croissance » coûte toujours plus cher, et rapporte toujours moins.

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