Environnement : Après le smog, le temps de la réflexion

Le 9 janvier, l’« airpocalypse » qui couvrait la Chine du Nord depuis des semaines, s’est dissipé, offrant à la région une semaine de répit à tout le moins. Les plus riches s’en étaient prémunis en s’envolant vers des cieux plus bleus. Le Chinois moyen lui, avait cru tenir bon à renfort de tisanes, censées nettoyer l’organisme de ses impuretés – mais le corps médical mettait en garde contre ce remède de bonne femme.

Débute pour le gouvernement le temps du bilan, d’excuses et d’humilité. Le ministre de l’Environnement Chen Jining avoue n’avoir fait « aucun progrès cet hiver » dans la lutte pour l’air pur, et se sentir « coupable » envers la société. Mais sa contrition est altérée par une autre affirmation destinée à innocenter les pouvoirs publics : cette pollution provenait d’un accident de la météo mondiale, d’un effet el niño extrême, la Chine n’y pouvait rien…

Débute aussi, hors des sphères dirigeantes, une contestation de la stratégie nationale anti-pollution de l’air. Avec son équipe, le professeur Wang Yuesi, de l’Institut de physique atmosphérique (Académie des Sciences) déclare que le smog serait fort atténué sur Pékin, si l’alerte était donnée trois jours à l’avance. Issu d’industries lourdes au Sud de la capitale, dès que les vents du Nord disparaissent, le smog est porté vers la ville par des masses d’air chaud du plateau de lœss, puis aspiré vers le sol par la chaleur urbaine. D’après Wang, si usines et trafic étaient bridés dès l’annonce de l’accalmie des vents de Sibérie, la concentration d’effluents serait évitée…

La semaine du 2 janvier voyait aussi une pétition sur les réseaux sociaux, réclamant un filtrage de l’air dans les écoles. Soutenue par 500.000 internautes, elle a attiré 2700 commentaires en 24h. Équiper toutes les écoles de la capitale lui coûterait 1,45 milliard de $, selon Tao Guangyuan, du Centre sino-allemand de coopération en énergies renouvelables. Pékin a donc improvisé en quelques jours un plan expérimental. Sur le district de Haidian, 13 écoles et maternelles prises « au hasard », ont reçu des purificateurs d’air. Ailleurs, des parents ont financé l’achat et l’installation de ces coûteuses machines.

Toutefois, rappelle le ministre, la  cause première de cette pollution est l’industrie sale et le mauvais mix énergétique, c’est-à-dire la priorité faite à l’emploi et la production à tout prix, un choix très ancien et toujours ancré dans les mentalités des décideurs.

Ainsi dans le Hebei autour de Pékin, qui abrite plus de 10% des capacités sidérurgiques de la planète,  la coulée d’acier de 2016 (janvier-novembre) a encore progressé de 2,4% à 178 millions de tonnes, et pour 2017, elle prétend l’augmenter encore, tout en éliminant, pour satisfaire en apparence seulement les attentes du pouvoir central, ses aciéries obsolètes—en tout état de cause inactives de longue date…

Toujours dans son effort pour apparaître mobilisée contre le smog, la mairie de Pékin crée une police de l’environnement, qui traquera barbecues, incinération d’ordures et toute combustion de biomasse. Cette année, le volume de houille brûlée sur le territoire de la capitale doit reculer de 30%, en fermant 500 usines les plus sales, et mettant aux normes 2500 autres, tandis que 300.000 véhicules très polluants seront refoulés aux postes de contrôle entre 40km et 80km du centre.

Ce mois-ci, un standard de carburant aux normes européennes vient d’être adopté, réduisant de 80% la teneur en soufre. Ceci, selon les raffineurs coréens et japonais, devrait causer un report massif de ventes d’essence et diesel chinois vers la Malaisie et l’Indonésie, moins exigeantes…

Le Conseil d’Etat vient de promettre une réduction des émissions de dioxyde de soufre de 15% d’ici 2020, notamment en élevant à 30% la part des bus publics (alimentés en carburants propres) dans le transport urbain. Les « droits d’émissions » débutent aussi entre Pékin, Hebei, Tianjin. Les centrales thermiques et usines de papeterie recevront leur quota dès 2017, suivies de toutes les autres industries d’ici 2020. Avant la fin d’année, tout émetteur ayant épuisé ses droits, devra en acquérir en bourse (au prix du marché), pour pouvoir continuer à polluer—ou bien il perdra sa licence d’exploitation.

De même, les importations de GNL (gaz naturel liquéfié) vont s’envoler, vu la priorité octroyée à ce type de fuel non polluant, et la faible capacité nationale à faire face à la demande (+2,2% en 2016). En 2017, selon les groupes SCI International et North Blue Oak, les commandes de GNL augmenteront de 30%, pour assurer 40% de la demande nationale en 2020. D’ici 2020, calcule un analyste de BMI Research (Singapour), l’augmentation des commandes en GNL devrait se situer entre 9 et 11 millions de tonnes par an. Ce GNL comptait pour 6% du mix national l’an dernier. A l’issue du Plan quinquennal (2016-2020), il devra atteindre 10%. Le seul facteur capable d’enrayer son irrésistible avancée à l’importation, serait de spectaculaires avancées en production de gaz de schiste local – mais ce n’est pas gagné, le sous-sol chinois étant loin d’être aussi favorable à cette production que celui des Etats-Unis…

En somme conclut, philosophe, le ministre Chen : « la dépollution de l’air chinois est une bataille contre une forteresse puissamment gardée. Elle prendra beaucoup de temps et d’efforts »…

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