Editorial : Priorité au « zéro Covid »

Priorité au « zéro Covid »

Alors que les données économiques d’avril s’apprêtent à être publiées et devraient rappeler aux dirigeants qu’il devient urgent de stimuler l’économie et la consommation, le sujet peine à s’imposer en haut de l’agenda.

Dans un communiqué diffusé le 5 mai à l’issue de la réunion des sept membres du Comité Permanent, Xi Jinping a mis en garde : « nous devons adhérer à la politique générale du zéro Covid sans fléchir et combattre résolument toute parole et tout acte qui déforme, interroge ou remet en question notre politique de prévention épidémique »*.

À l’inverse des dernières déclarations, le dirigeant chinois n’a fait aucune mention de la nécessité de « minimiser l’impact de la pandémie sur l’économie » ou de « réconcilier le zéro-Covid avec la croissance ». Une omission qui en dit long sur les priorités du leadership, alors que le Premier ministre Li Keqiang et plusieurs éminents économistes multiplient les avertissements sur le sujet ces dernières semaines.

Même Sheng Laiyun, vice-directeur du Bureau national des Statistiques, a reconnu que « l’épidémie a porté un choc énorme à l’économie », tout en assurant qu’elle n’aurait qu’un impact « de courte durée » sur le niveau de production.

Jusqu’à présent, les cadres avaient pour consigne de mener une double bataille : contenir la propagation d’Omicron tout en évitant une détérioration trop importante de l’économie. « Le Comité Central du Parti exige à la fois de la prévention épidémique et de la stabilité économique (…). Ces objectifs doivent être réalisés simultanément, ce qui est très difficile à mettre en œuvre pour tous les départements et gouvernements locaux », a reconnu Han Wenxiu, vice-directeur du bureau de l’influente Commission centrale des Affaires financières et économiques (CFEAC).

Sauf qu’en pratique, la priorité est invariablement donnée à la lutte épidémique. Or, chacun sait qu’en ce domaine, il vaut mieux en faire trop que pas assez, sous peine de se voir limogé pour quelques cas de Covid-19… C’est encore plus vrai depuis la publication de ce dernier communiqué du Comité Permanent.

Pour certains experts comme Zhao Wenzhi (Taïwan) et Henry Gao (Singapour), la stratégie « zéro Covid » s’apparente à une « croisade politique » visant à tester la loyauté des cadres et dont l’issue est beaucoup plus importante que le développement économique aux yeux de Xi Jinping.

Ainsi, plusieurs agences gouvernementales se sont attachées à mettre en œuvre, avec un certain zèle, l’« esprit » du Comité Permanent. À Shanghai, cela s’est traduit par un durcissement de la censure sur la toile, un élargissement du périmètre des « cas contacts » (systématiquement envoyés dans des centres de quarantaine centralisés), voire une « période de silence » dans certains quartiers où plus aucun déplacement n’est autorisé. Ce constat est quelque peu paradoxal alors que la situation sanitaire shanghaienne s’améliore enfin et que la mégalopole de 25 millions d’habitants pourrait atteindre, après plus de 50 jours de confinement strict, l’objectif de « zéro cas de circulation sociale » le 20 mai, ce qui permettrait de débuter graduellement le déconfinement…

« Ces temps-ci, les cadres seront probablement punis s’ils ne contrôlent pas l’épidémie de Covid-19, mais si leurs restrictions sanitaires freinent le développement économique, les conséquences seront moindres (…). De par le passé, la performance des cadres était principalement évaluée sur la croissance économique, ce qui était relativement simple, tous savaient comment s’y prendre », a expliqué Yang Weimin, ex-bras droit du vice-premier ministre Liu He à la CFEAC. Sauf qu’aujourd’hui, les consignes conflictuelles, qui sont probablement le reflet de dissensions au sommet, leur compliquent sensiblement la tâche…

En fin de compte, même si tout indique qu’une approche « médiane », à mi-chemin entre des confinements draconiens et la disparition de toutes les restrictions, serait plus adaptée, certains dirigeants restent convaincus que l’équation se résume à choisir entre 1,55 million de morts en quelques mois** et la perte de quelques points de PIB.

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* Bien mal en a pris au directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, lorsqu’il a déclaré quelques jours après la réunion du Comité Permanent que « la stratégie zéro Covid n’est pas soutenable » et que « passer à une stratégie différente est très important ». Des propos qualifiés d’« irresponsables » par Pékin et immédiatement censurés sur les réseaux sociaux chinois (tout comme les photos de M. Ghebreyesus). Un retournement de situation quelque peu ironique étant donné que le directeur de l’OMS, invité d’honneur aux Jeux Olympiques d’hiver en février dernier, était jusque-là considéré comme un fervent défenseur de la stratégie sanitaire chinoise.

** Une étude réalisée par des chercheurs chinois et américains, publiée le 10 mai dans la revue scientifique Nature, estime que si la Chine abandonne toute restriction du jour au lendemain, sans améliorer sa couverture vaccinale et son accès aux traitements, cela pourrait entraîner 1,55 million de décès en l’espace de trois mois. Un bilan qui pourrait torpiller la légitimité du Parti qui n’a cessé de pointer du doigt le million de morts aux États-Unis

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