Considéré comme un jour auspicieux pour les mariages, le 20 mai est l’une des trois Saint-Valentins fêtées en Chine (avec le 14 février, et la fête de Qixi, le 7ème jour du 7ème mois du calendrier lunaire), la prononciation des chiffres 520 (五二零, wǔ èr líng) étant phonétiquement similaire à celle des mots « je t’aime » (我爱你, wǒ ài nǐ).
Anticipant une hausse des mariages ce jour-là, deux municipalités dans le Hunan et le Guizhou ont annoncé la fermeture de leurs bureaux des divorces afin de mobiliser tout leur personnel pour unir les couples désireux de se passer la bague au doigt. Cette décision a suscité la colère du public, qui a accusé les autorités de priver les citoyens de leur droit au divorce. « Pourquoi fermer le bureau des divorces au lieu de rallonger les heures d’ouverture du bureau des mariages ? », questionnait un internaute. « Dans ce cas, le bureau des mariages devrait également fermer le jour de la fête des célibataires, le 11 novembre », ironisait un autre. Face à la pression de l’opinion, les autorités ont finalement fait marche arrière…
La veille, le ministère des Affaires civiles avait annoncé que le nombre de divorces est tombé à son plus bas niveau historique, avec une chute de 70% au premier trimestre 2021 : 296 000 séparations contre 1,05 million en 2020. La faute au nouveau Code civil qui impose depuis le 1er janvier un délai de réflexion obligatoire de 30 à 60 jours (en cas de consentement mutuel) avant de pouvoir divorcer. Pour cela, les futurs ex-époux doivent prendre deux fois rendez-vous avec l’administration, et si l’un des deux est absent, la demande de divorce est automatiquement annulée. L’entrée en vigueur de cette règle avait conduit à un rebond des divorces en fin d’année 2020 (+13%).
Alors que la Chine fait face à une crise démographique qui pourrait impacter sa croissance économique, ce plongeon des divorces est considéré comme un succès par les autorités qui accusent les ruptures impulsives d’être l’une des causes de la natalité en berne du pays…
Les internautes eux, n’interprètent pas cette chute des divorces de la même façon, persuadés que ces séparations sont simplement retardées par la complexité des procédures administratives et par le manque de créneaux horaires disponibles, surtout dans les grandes villes. « L’annonce devrait plutôt être : 70% des couples n’ont pas pu divorcer », écrivait un internaute. « Personne ne peut changer d’avis sur son partenaire en un mois », s’indignait une aspirante au divorce.
Quoique de nombreux pays ont déjà introduit des restrictions aux divorces, cette période de délibération avant le divorce a été perçue par les citoyens chinois comme une intrusion du gouvernement dans leur vie privée, marqués par trois décennies de planning familial extrêmement strict. Aujourd’hui, les couples chinois ne sont plus prêts à suivre les consignes conjugales du Parti, et ce temps de latence imposé va probablement leur donner une raison de plus pour ne pas se marier, et ne pas avoir d’enfant… C’est sans compter sur le nombre de mariages qui ne cesse de dégringoler depuis 2013 : seulement 8,13 millions d’unions ont été célébrées en 2020.
Sommaire N° 19-20 (2021)