Petit Peuple : Liling (Hunan) : Maldonne sur l’héritier

Liling (Hunan) : Maldonne sur l’héritier

Le 5 janvier 2021, Tang Lijia, opticien à Lijing, Hunan, se rendit à l’hôpital populaire n°3 avec Fu Erling sa femme archiviste, et Tang Xiyun leur fillette de 3 ans, pour un test ADN. Silencieux, Tang portait une mine sévère tandis que Fu, impassible comme si rien de tout cela ne la concernait, consolait sa fillette pleurant à chaudes larmes.  C’était la conclusion de trois douloureuses années – Tang accusait sans cesse sa femme d’avoir conçu l’enfant hors du lit conjugal.

Quand les résultats tombèrent quinze jours plus tard, ils confirmèrent ses soupçons : la fillette portait l’héritage génétique de la mère, mais non celui du père. La conclusion s’imposait, faisant soudain, en soulevant la robe, apparaître la queue du renard  (狐狸尾巴, húlí wěibā) : Tang n’était pas le père biologique. Dans leur appartement mal tenu et négligé du fait des années de désunion sur fond de soupçons, les époux entamèrent une querelle homérique où le mari ressortit les vieilles accusations, cette fois avec une violence exacerbée puisque le doute n’était plus permis. Coups, cris et pleurs furent échangés jusqu’à tard dans la nuit, les voisins collant l’oreille aux murs afin de ne rien perdre du grand déballage. Tang hurlait de ne plus supporter quolibets et lazzis au travail, et des mots de « lǜmàozi » (绿帽子, « chapeau vert ») murmurés dans son dos avec toujours moins de retenue – ce terme désignant en argot chinois les maris trompés. C’était insupportable, il n’avait pas mérité cette trahison. Lui-même s’était toujours abstenu d’aller voir ailleurs, quoique les collègues le lui eussent parfois conseillé, les soirs au bar après le travail, même si les occasions n’aient pas manqué, de femmes lui proposant de devenir son amante. Bref tout était fini, à présent une seule option leur restait ouverte, le divorce. Mais dans leur cas, le bureau des divorces ne suffirait plus – il faudrait passer par le tribunal. Car sa femme était d’accord pour qu’il parte, mais non pour lui céder la moitié de l’appartement qui avait été à 100% payé par ses parents mais avait été enregistré à leurs deux noms. Tang lui, revendiquait cette moitié du bien, pour prix de l’atteinte à son image sociale, et de sa dignité blessée.

Le lendemain donc, le mari se présenta au tribunal populaire intermédiaire, faisant valoir l’injustice qui lui était faite, de devoir supporter les frais d’éducation d’une enfant dont il venait d’apprendre qu’elle était d’un autre. Il prétendait donc à ses 50% de propriété sur le logis, et à être affranchi de toute responsabilité sur Xiyun, financière notamment. Plusieurs visites furent nécessaires, du mari et de la femme – séparément- pour permettre au juge d’enregistrer les témoignages et les exigences respectives. Quatre mois plus tard, il les reconvoqua, début mai 2021, et son verdict les prit tous deux par surprise : pour l’instant, il refusait purement et simplement la rupture. Après tout, les conjoints avaient huit ans de vie commune, un enfant, un beau lieu de vie et chacun un métier : tout pour être heureux. Surtout, la nouvelle loi sur le divorce imposait désormais 30 jours de réflexion pour réparer leur relation, au nom de la stabilité sociale, de l’harmonie familiale, et de l’avenir de leur fillette en grand besoin du cocon protecteur des deux parents.

Immédiatement, le mari fit appel, mais en vain. Et pour cause, face au juge, Fu avait changé toute la donne, en avançant une vision de leur vie passée qui infirmait totalement celle de Tang, celle d’une épouse infidèle lui ayant fait un enfant « dans le dos », puis ayant tenté de lui cacher son origine extraconjugale. Fu avait carrément accusé son mari d’amnésie et de duplicité. Pointant l’attention du magistrat sur leur importante différence d’âge, 44 printemps pour lui contre seulement 30 chez elle, elle lui avait révélé qu’avant de l’épouser en 2013, il avait dû briser un  1er mariage, après dix ans d’union, parce que le couple était resté stérile – un détail qu’il avait d’ailleurs omis de lui avouer à l’époque. Une fois en couple, ils avaient tenté de concevoir, et tout essayé – en vain- durant 8 ans. Jusqu’à ce jour de 2018 où c’était lui qui l’avait implorée d’aller voir ailleurs, d’« emprunter du sperme extérieur » (selon son expression) afin de porter enfin leur démarche à fruition. C’était donc sur sa supplique à lui qu’elle avait alors essayé, « rien qu’une fois », avec inquiétude, et seulement pour sauver le couple. Et quand elle était tombée enceinte extrêmement vite (quelques semaines) après cela, elle s’était même demandé si tout compte fait, l’enfant n’était pas de lui, son mari.

À présent, quoiqu’elle lui fut restée fidèle, il voulait la quitter. C’était très injuste, mais elle ne voulait pas s’y opposer : ses soupçons maladifs rongeaient le quotidien du couple, le rendait insupportable. Il valait mieux en rester là : à son âge, elle pouvait refaire sa vie. Par contre, céder à cet ingrat la moitié de l’appartement payé par ses parents, ce serait un comble… Parfaitement injustifié ! Elle avait confiance dans la justice de son pays pour protéger ses intérêts. Elle réclamait même une pension alimentaire, afin de pouvoir faire face aux frais d’éducation de leur enfant voulu et conçu ensemble.

Face à ces versions si divergentes, le juge resta perplexe. Laquelle des deux histoires était la bonne ? Fu était elle une dissimulatrice jouant de son mari, ou bien était-ce Tang qui cachait une jalousie congénitale ? Il reste à l’homme de loi un mois pour se faire son opinion… De l’avis général, ce mariage n’a aucune chance d’être sauvé – tout ce qui restera à faire, sera de statuer sur l’appartement et la pension. Et la nouvelle loi, conclut Wu Jiezhen, avocat à Canton, ne fera rien de bon :  de mémoire d’homme de robe, tout ce que les conjoints font durant les 30 jours de délai imposé, est d’affûter leurs arguments pour obtenir une part maximale du patrimoine, et donc, renforcer un litige qui avant la loi, aurait pu être épuré à l’amiable !

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