Monde de l'entreprise : Démissions en série dans la tech

Démissions en série dans la tech

Après Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, Colin Huang, patron de Pinduoduo et Simon Hu, le directeur général de Ant, c’est au tour de Zhang Yiming, le PDG de ByteDance, de rendre son tablier.

Ces démissions en série interviennent dans un contexte de reprise en main généralisée du secteur de la tech, le gendarme de la concurrence ayant déjà ouvert une enquête sur le champion de livraison de repas Meituan, frappé Alibaba d’une amende record, et en préparerait une à l’encontre de Tencent. ByteDance lui aussi, a été sommé de revoir ses pratiques commerciales au regard de la nouvelle loi anti-monopole.

Avançant un désir de prendre davantage de recul pour explorer de nouvelles stratégies à long terme, de travailler à la responsabilité sociale de l’entreprise (signalant que les objectifs de l’entreprise seront alignés sur ceux du gouvernement) et de se familiariser avec les dernières technologies (sa passion), Zhang Yiming se libère de ses fonctions managériales auxquelles il prétendait être mauvais, tout en restant président du groupe. Zhang détiendrait 20 à 30% de ByteDance et contrôlerait plus de 50% de droits de vote.

Le milliardaire de 39 ans, cinquième fortune du pays, va céder sa place d’ici la fin de l’année à son ancien cochambrier à l’université de Nankai (Tianjin) et cofondateur méconnu de ByteDance, Liang Rubo, actuellement directeur des ressources humaines.

Ce passage de témoin intervient à un moment crucial pour la seule « hectocorne » au monde (une start-up dont la valorisation dépasse les 100 milliards de $). En effet, l’entreprise fondée en 2012 a bâti son succès sur son application de courtes vidéos (Douyin en Chine et TikTok à l’international) et son agrégateur d’actualité Jinri Toutiao. Aujourd’hui elle veut étendre son empire au paiement en ligne (Douyin Pay), au streaming musical (Lesso), aux jeux vidéo, à la messagerie et au e-commerce, venant ainsi marcher sur les plates-bandes des géants Tencent et Alibaba.

Pour financer de telles ambitions, ByteDance préparerait depuis des mois son entrée en bourse, à Hong Kong ou à New York. Ce serait pour cette mission « boursière » que ByteDance aurait recruté Shouzi Chew, l’ancien directeur financier de Xiaomi qui avait introduit le fabricant de smartphones en bourse de Hong Kong, après le départ de Kevin Mayer l’ex-directeur général de TikTok en août 2020. L’ancien de chez Disney aurait été poussé au départ par le climat politique extrêmement tendu avec les États-Unis. À l’époque, l’application fétiche de la jeunesse (bannie en Inde) était menacée d’interdiction aux USA par l’administration Trump qui la suspectait d’espionnage pour le compte de Pékin. La Maison-Blanche espérait contraindre ByteDance à céder ses opérations américaines à Oracle et Walmart. Un projet de vente forcée « mis en pause » par Joe Biden, à en croire le « Wall Street Journal ». De son côté, ByteDance aurait toutes les peines du monde à proposer une nouvelle structure satisfaisante aux yeux de Pékin et de Washington, dans laquelle DouYin et TikTok seraient séparées, étant donné que les deux applications partagent le même algorithme…

Avec autant d’ambitions et de défis d’avenir, comment interpréter cette démission surprise de son fondateur ? Certains observateurs y voient un choix purement stratégique pour l’entreprise qui fait face à un ralentissement de la croissance de ses activités en Chine et qui est désireuse de se réinventer.

D’autres l’interprètent plutôt comme une volonté de se prémunir d’une mauvaise publicité : en effet, l’introduction en bourse de ByteDance ferait de Zhang Yiming, l’homme le plus riche de Chine (plus de 100 milliards de $, selon Hurun), et donc une cible de taille pour Pékin qui chercher à renforcer son contrôle non seulement sur la tech, mais sur tout le secteur privé. Et l’opinion publique, habilement manipulée par Pékin, peut rapidement changer contre les ultras riches. Jack Ma en sait quelque chose : hier idolâtré par le pays entier, il est devenu du jour au lendemain un « capitaliste cupide ».

Zhang Yiming a bien compris que les personnalités de la tech un peu trop charismatiques sont désormais considérées comme une menace pour Pékin, inquiet de leur ambition personnelle ou de leur capacité à influencer l’agenda politique grâce à leur notoriété. La fermeture annoncée de l’école de management de Jack Ma en est un excellent exemple… En se mettant en retrait, Zhang Yiming espère donc que son entreprise sera épargnée. Il se pourrait bien ne pas être le dernier de la liste : Pony Ma (Tencent), Su Hua et Chen Yixiao (Kuaishou), Chen Rui (Bilibili), Liu Qiangdong (JD.com) Wang Xing (Meituan) et Robin Li (Baidu) pourraient bien être tentés de s’effacer à leur tour…

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