Politique : Les deux facettes du 4 mai

La commémoration du 100e anniversaire du mouvement du 4 mai 1919 revêtait cette année plus que d’autres, deux facettes, idéologique et vacancière.

Cent ans plus tôt, le Traité de Versailles destiné à enterrer la 1ère Guerre mondiale, cédait aux Japonais la province du Shandong, jusqu’alors protectorat allemand. C’était une maladresse mal ressentie : la Chine était bien mal récompensée, après avoir envoyé des troupes combattre aux côtés des Alliés. Le 4 mai 1919, les étudiants pékinois manifestèrent contre l’injustice, militant aussi pour l’avènement des « sciences » et de la « démocratie ». L’impact historique avait été très fort : une fibre nationaliste naissait, enrichie de ces deux concepts.  Naturellement depuis, pour les leaders successifs, l’anniversaire s’avère toujours délicat à « récupérer », sans dévier de leur ligne autoritaire. 

Pour le 80ème anniversaire en 1999, l’ancien Président Hu Jintao avertissait contre « l’occidentalisme clivant l’unité des pays socialistes ». En 2009, le China Daily tranchait : ce mouvement n’était « pas obsolète, mais non plus un évènement historique ». En 2014, le Président Xi Jinping exprimait avec la plus grande clarté le besoin de subjuguer le 95ème anniversaire, déclarant sur le campus de Beida : « la jeunesse est le temps de la maturation personnelle. Il est toutefois crucial de contrôler cette phase ».

Pour le centenaire de 2019, Xi ne tenta pas d’étouffer l’événement, au contraire : le 30 avril au Grand Palais du Peuple, il tint un discours patriotique devant 3000 édiles, militaires et étudiants-membres du Parti, appelant la jeunesse à « aimer la patrie, suivre le Parti et lui vouer leur gratitude ». Cet appel faisait point d’orgue à de récentes mesures d’encadrement des jeunes, tel un plan d’envoi massif d’étudiants dans les villages.

L’autre manière de désempoisonner la commémoration, avait été de rallonger les congés nationaux du 1er au 4 mai. Il s’agissait d’inciter à voyager et consommer. Mission accomplie ! Ils furent 195 millions à faire du tourisme, dont 57% entre 20 et 39 ans. 117.7 milliards de ¥ furent encaissés, 16,1% de plus qu’en 2018.

Evidemment, cela n’alla pas sans problème à bord des trains bondés, dont certains passagers indélicats refusèrent de se lever à l’arrêt prévu, privant leurs successeurs de leur place réservée. Ceux-ci, floués réclamèrent que les fraudeurs soient bannis des TGV. Ce qui pourrait arriver : fin 2018, la justice avait banni 5,5 millions de fraudeurs des TGV et 17,46 millions des avions, une liste noire ayant plus que triplé en 12 mois.

Le crédit social se met ainsi en place, octroyant une note de moralité à chaque citoyen, et il ne cesse de voir s’élargir son champ d’application. A Lishui (Zhejiang), un cinéma projetant Avengers : End game, dernier opus des studios Marvel, remplaça les bandes-annonces des films à venir par la liste des noms et photos de 300 lǎolài (老赖), mauvais payeurs locaux. Sur les autoroutes, les noms et plaques des chauffards défilent déjà en continu.

Le crédit social détient même sa propre chanson, « shuōdàozuòdào » (说到做到 ), « Tiens ta parole », interprétée par les stars des ados. L’observateur étranger pourra s’en étonner, mais pour l’instant, le système est plutôt bien vu par la base : sans crainte apparente des évidents risques inhérents, elle le ressent comme  un moyen efficace de discipliner les citoyens. On semble désormais dans les temps pour le déploiement complet du crédit social prévu en 2020—c’est demain !

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1 Commentaire
  1. severy

    Il est à espérer que dans une première phase, le  »crédit social » ait été appliqué à tous les membres du PC avant d’être étendu à toute la population. Quels sont les résultats de cette première phase?

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