Politique : Xi Jinping – Le coup de torchon

Chinois comme étrangers, les médias ne tarissent pas de rumeurs autour d’un homme-énigme, toujours le même : le Président Xi Jinping.

Ainsi le 17 mai, le chef de l’Etat informait un prétoire de 150 chefs régionaux de la propagande et universitaires, d’un besoin urgent de la nation en innovations théoriques en fait de marxisme. Une recherche devrait être conduite sur un système de pensée combinant philosophie et sciences sociales au « XXIème siècle » et aux caractéristiques chinoises. Bien sûr, l’approche du XIXème Congrès d’octobre 2017 inspire cette quête. Comme ses prédécesseurs, Xi aspire à apporter son codicille idéologique à l’héritage théorique du PCC. 

Le 9 mai, Xi donnait au Quotidien du Peuple une interview « semi-anonyme » pour renforcer sa dernière campagne, celle de la réforme du « côté de l’offre », sa dernière marotte.

Le 10 mai, il lançait une  autre salve sur le sujet : deux pages du journal. Au ton combatif, elles furent publiées juste après la révélation du montant des prêts bancaires au 1er trimestre : 4600 milliards de ¥ (624 milliards d’€), plus que les 4000 milliards de ¥ (547 milliards d’€) de début 2009. Xi s’en prenait donc à des ennemis embusqués, à leur frénésie de prêts à des firmes « zombie » sans perspectives d’avenir. Il avertissait des « risques financiers systémiques » associés à cette gabegie d’Etat, et plaidait pour le retour à l’objectif, toujours ressassé mais jamais réalisé depuis 2012 : l’adaptation du parc productif à la demande, et la réduction des capacités.

Cette campagne de presse, pas par hasard, démarra suite au meeting du « Groupe central des Affaires financières et économiques » (8 mai). Xi présidait, et Li Keqiang le 1er ministre, Zhang Gaoli, vice-Premier, Liu Yunshan, le responsable de la Propagande, y assistaient. Réunion et articles auraient été préparés par Liu He, proche conseiller du Président.

Il se peut que Zhang Gaoli ait été visé par les reproches de Xi Jinping. En effet, ce vice-Premier, de l’écurie de Jiang Zemin (protégé de Zeng Qinghong son bras droit) est en charge de l’économie, tout comme Li Keqiang, mais du bord politique opposé. En mars, en marge de l’Assemblée, Zhang déclarait aux journalistes s’attendre à une sortie de crise début 2017,  « porte ouverte sur un ciel radieux » (开门红, kāi mén hóng ). Or dans son interview, Xi dénonçait l’idée et opposait à Zhang un désaveu cinglant : « nous découvrons des problèmes inattendus… résumer l’avenir à des formules telle ‘kai men hong’, c’est se borner à des perspectives simplistes ».

Zhang Gaoli, 70 ans, doit partir à la retraite en 2017. En ce sens, il devrait plutôt être perçu comme inoffensif par Xi et son camp, sauf s’il joue, avec d’autres barons conservateurs, à ouvrir grand le robinet du crédit aux firmes zombies pour empêcher leur fermeture, endettant ainsi l’Etat. Ainsi, il mettrait sciemment Xi en difficulté, se donnerait le beau rôle auprès des provinces, tout en gardant la bienheureuse certitude de ne pas avoir à gérer dans 12 mois la tempête qu’il prépare, réservant ce soin à l’ennemi politique. D’où l’intérêt pour Xi de frapper maintenant du poing sur la table, pour éviter de tomber dans le piège !

Une telle perspective éclaire alors l’avertissement aux cadres régionaux, dans ses articles, de « ne pas attendre, ni faire profil bas, ni hésiter » à entamer les fermetures d’usines. Les « fortes têtes » sont prévenues, en un autre article récent, reprenant un discours de janvier : « les conspirateurs qui sapent la gouvernance du Parti… doivent résolument être écartés » – à bon entendeur, salut !

Dans les jours qui suivirent ces publications, Li Keqiang le Premier ministre lança deux actions, dans le silence général—comme si les opposants, sonnés, laissaient faire.

Le 17 mai, la CBRC, tutelle des banques, leur ordonna de lever les entraves aux prêts aux PME privées, et de rapporter toute discrimination envers les PME.

Le 17 mai, le Conseil d’Etat, après le Conseil des Ministres, publiait un plan radical pour « dégraisser » les consortia publics. En 2016 puis en 2017, la capacité de production de charbon et d’acier devra baisser de 10% par an. Le nombre des filiales des consortia baissera de 20%, et 100 milliards de yuans seront épargnés en frais de fonctionnement ou gagnés en profitabilité. Ces dinosaures à 5 niveaux hiérarchiques, voire 9, devront se mettre à la diète pour n’en avoir plus que 3 à 4 en 2017.

Li Keqiang est l’auteur de ces mesures. Ceci peut être la preuve finale, contrairement à l’avis de certains experts, qu’il n’est pas l’adversaire visé par les diatribes de Xi. Dans ce cas, il a toutes les chances de garder son poste pour le second quinquennat.

Bien plus probable, comme on l’a vu, les adversaires sont à chercher dans les camps de Jiang (tels Zhang Gaoli et Liu Yunshan) et de Hu Jintao, tel Ling Jihua son ancien bras droit, aujourd’hui en prison pour corruption et divulgation de secrets d’Etat. De même, la Ligue de la jeunesse « tuanpai » (团派), qui fut le fief de Hu, est en train de plonger, budgets coupés et accusée d’élitisme.

Le dernier point et non le moindre, est la montée en puissance de la « clique du Zhejiang » des fidèles de Xi, ses ex-collègues de Xi durant sa carrière, autour du delta du Yangtzé.

Elle croît et embellit malgré l’interdiction faite par Xi aux cadres de former factions et cliques (团团伙伙, tuántuán huǒhuǒ), et l’adage anglais  – « faites ce que je dis, pas ce que je fais ! » Mais comment faire autrement en Chine politique ? Y disposer de son réseau, est question essentielle, parfois de vie ou de mort.

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