Jeune femme belle et gâtée, Nainai, à 22 ans, est devenue à Shanghai une star du vidéo blog …
Ce 3 janvier 2019, Nai Nai faisait son show de vidéo blog dans un centre commercial de Shanghai, commentant les devantures des boutiques et répondant à ses followers quand, sur son écran de portable, apparut un visage totalement inattendu. Jiang Bo, la star du vidéo blog chinois l’appelait depuis Wuhan, son lieu de résidence. L’arrivée du jeune homme sur son réseau fit sur Nai Nai un effet électrisant, « cheveux dressés et yeux écarquillés » (发指眦裂, fà zhǐ zìliè). Car Jiang Bo, sur son marché, faisait et défaisait les réputations, à la tête de son armée d’1,2 million d’internautes qui l’écoutaient, le regardaient et répétaient ses opinions, entre eux et sur la toile. Et voilà que Jiang Bo arrivait sur la scène de Nai Nai pour lui offrir de l’introduire sur la sienne …
En déplacement à Shanghai, Jiang Bo avait besoin d’une partenaire locale. Scannant sur internet les différentes vidéo blogueuses en train de se produire en ville, il l’avait jugée « pas mal, mais sans plus », ce qui lui convenait parfaitement – il ne fallait pas que par trop de charisme, elle aille lui faire de l’ombre.
Pour Nai Nai, c’était une incroyable bonne fortune, qui multiplierait par plus de 1 000 son audience. Aussi tout de suite, le dialogue démarra sur un mode sémillant, en un combat de charme. Mais Nai Nai, quoiqu’au départ un peu tendue, fit mieux que se défendre ! Durant les 10 minutes du show, les admirateurs de Jiang envoyèrent à Nai Nai plus d’ « avions », de « fusées » et de « super-fusées » (cadeaux en argent transféré sur son compte) qu’à Jiang Bo qui, « puni » par son public pour avoir perdu la manche, se vit imposer un gage : apporter à la jeune femme une boite de tampons. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il fut bien obligé d’accepter.
Et c’est ainsi que les deux jeunes allaient se rencontrer, cette fois physiquement. Caméra en main, il frappa chez elle et lui adressa ce compliment douteux, « tu es presque aussi belle en vrai ». Elle lui répondit dans la même veine provocatrice. Puis il l’invita à dîner – elle accepta, s’estimant en position de force. Il l’aida alors à passer son manteau de fausse marte blanche et ils descendirent jusqu’à sa voiture à lui, un bolide tape à l’œil comme il se devait, une Ferrari 458 rutilante de tout son blanc.
Commença alors le vrai duel d’audience, toujours sous l’œil de la camera. Galant, il lui boucla sa ceinture de sécurité. Mais il perdit l’avantage, quand il voulut démarrer : il s’embrouilla dans le contact, rata le frein à main, cala ! Quand elle lui demanda de fermer sa fenêtre sous contrôle du chauffeur, il en fut incapable. Arrivée à la station d’essence, il ne trouva pas la marche arrière… – la Chine entière pouvait voir que le bolide n’était pas à lui ! Nai Nai pendant ce temps, bichait : elle lui attribua chichement une note de 5 sur 10, et vit sur son compte qu’elle venait de lui rafler 12 000 followers. Déconfit, Jiang Bo retourna à Wuhan, digérer sa défaite.
Mais Jiang n’était pas homme à baisser les bras. Avec son joli minois et son sens ingénu de la répartie, cette fille venait par deux fois de lui faire perdre la face – il n’allait pas se laisser faire ! Il commença par l’inonder de messages prétendant qu’il n’arrivait pas à l’oublier – elle-même, suivant les consignes de son agent, le gardait sur la touche, par des réponses laconiques et courtoises mais sans plus. Mais il était quand même un homme au million de fans, dont elle pouvait encore espérer lui en détourner quelques centaines, voire quelques milliers à chaque rencontre… Elle commença donc à passer ses fins de nuit à discuter avec lui sur smartphone. Et puis en février, il lui tendit son piège, dans lequel elle fonça tête baissée : elle accepta d’être sa girlfriend pour la Saint-Valentin – ainsi le 14, il reviendrait exprès à Shanghai, pour un dîner aux chandelles sous l’oeil évidemment de leurs abonnés.
Or c’était un traquenard ! La règle de Yuqian, sa compagnie sponsor était pourtant claire : elle devait émoustiller, se faire désirer, mais ne se donner jamais car elle gagnait sa vie sur le désir des hommes. Si elle tombait amoureuse, elle n’avait plus rien à vendre ! Aussi, ce soir-là, en tombant dans les bras de son joli cœur, Nai Nai scia la branche sur laquelle elle était perchée. Sur la toile, par milliers, les fans jaloux commencèrent à la taxer de quelconque, un peu moche et sans humour. Jiang aussi ce soir-là, en prit pour son grade : furieux, il planta là Nai Nai, qui risquait maintenant de voir son peloton de suiveurs, près de 40 000, tomber en débandade.
Bientôt, elle dut voir ses craintes se réaliser. Pour son anniversaire en mars, Wang son agent avait invité 12 fidèles à un banquet dans un restaurant branché. Mais seuls deux d’entre eux daignèrent se présenter. Dans ces conditions, le banquet risquait de tourner au fiasco – même les tours de force du preneur d’image ne parvenaient absolument pas à masquer le désastre. Wang dut feindre être un fan supplémentaire, conversant avec elle comme si c’était leur première rencontre. Les deux autres geeks fortunés et patauds n’aidèrent en rien l’ambiance, restant muets comme des carpes, têtes penchées sur leurs téléphones, même quand elle souffla les bougies du bien trop grand gâteau… Cette soirée qui aurait dû la relancer, fut un bide ! Et pour couronner le tout, son téléphone sonna : c’était Jiang Bo qui l’appelait, non pour lui souhaiter bon anniversaire – il l’ignorait – mais pour une invitation unique, en forme de défi et de revanche…
1 Commentaire
severy
12 mai 2020 à 22:02Voilà un récit qui frise le Goncourt.