Quoique la fête ne soit pas exactement au rendez-vous, la Chine et l’Union Européenne marquaient le 45ème anniversaire de leurs relations diplomatiques le 6 mai. A cette occasion, les 27 ambassadeurs des Etats membres ainsi que le représentant de l’UE à Pékin, s’accordaient pour publier un éditorial dans le China Daily. Faisant la part belle aux aspects positifs des liens (le multilatéralisme, le climat…), les sujets qui fâchent (les droits de l’Homme, le Xinjiang, Hong Kong ou encore le coronavirus) étaient délaissés à la demande de nations européennes soucieuses de ménager leurs relations avec la seconde puissance mondiale. Pourtant, cela ne suffisait pas à contenter Pékin, qui conditionna la publication de ce texte à la suppression d’un passage mentionnant l’émergence du Covid-19 en Chine – une censure tolérée par Bruxelles “à grands regrets”, préférant voir le verre à moitié plein.
C’est la deuxième fois que l’Europe assouplit ses communiqués à la demande de la Chine : deux semaines plus tôt, un rapport sur l’ampleur des efforts de désinformation menés par Pékin était reformulé par crainte de compromettre les relations. Suite à ces deux affaires, la Chine peut se targuer d’avoir défendu avec brio ses intérêts, ne s’attardant guère sur les dégâts d’image engendrés auprès de l’opinion du vieux continent. A Bruxelles, si le temps de la naïveté a fait place à celui de la lucidité, les vulnérabilités européennes étaient encore une fois exposées au grand jour, les intérêts supranationaux étant sacrifiés sur l’autel du consensus à 27.
Cependant, le scepticisme européen (ou du moins de certaines nations) à l’égard du partenaire chinois, est manifeste. C’est ce qui pousse l’UE à réclamer la tenue d’une enquête indépendante sur les origines du Covid-19 afin de tirer les leçons nécessaires pour la prochaine pandémie. Selon Josep Borrell, chef de la diplomatie de l’UE, il est absolument nécessaire d’enquêter avec un regard neutre sur ce qui s’est passé, et cela, en se tenant à l’écart de la rivalité grandissante entre Pékin et Washington. Officiellement, la Chine ne se déclare pas opposée à la tenue d’une telle enquête “en temps opportun”, mais refuse d’être désignée comme la grande responsable de cette pandémie avant même que les recherches n’aient débuté.
Pourtant, elle sait pertinemment qu’elle ne pourra pas s’y opposer bien longtemps : en effet, dans le monde entier, médecins et scientifiques font des découvertes qui bousculent la chronologie officielle de la pandémie. Fin mars, le directeur d’un institut de recherche pharmaceutique de Milan (Italie) déclarait avoir observé plus d’une dizaine de cas d’étranges pneumonies fin novembre 2019 en Lombardie. Puis, c’était au tour des Américains de réaliser que le Covid-19 était sur leur territoire début février, soit trois semaines avant le premier patient connu. Même scénario en France, où un hôpital alsacien vient de détecter un premier cas dès le 16 novembre après avoir repéré des signes distinctifs du Covid-19 sur la radio thoracique d’un patient. Il ne fait donc plus de doute que le virus circulait déjà en Europe avant même qu’il ne soit officiellement repéré à Wuhan fin décembre.
Face à ces découvertes, la Chine appelle la communauté internationale à poursuivre ce travail d’enquête “apolitique” au lieu de sans cesse la blâmer. De leur côté, les internautes chinois se réjouissent de ces nouvelles, censées écarter toute hypothèse de fuite d’un laboratoire de Wuhan fin 2019 – une théorie soutenue bec et ongles par le Secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo. Pour la Chine, ces nouveaux cas européens sont autant d’opportunités de clamer que le coronavirus ne trouve peut-être pas son origine en Chine, et aurait en fait été importé dans le pays.
Mais il ne faut pas s’y méprendre : le fait que les autres pays fassent preuve de transparence dans leurs recherches épidémiologiques, met la pression sur la Chine pour qu’elle fasse de même. En effet, il devient de plus en plus difficile pour Pékin de maintenir que son premier patient ne date que du 1er décembre (de source non-officielle, les autorités seraient remontées jusqu’à un malade au 17 novembre), tout en gardant pour elle les séquences génétiques du virus retrouvées chez ses premiers patients. Or, la Chine le sait bien, ces génomes pourraient bien détenir la clé des origines du Covid-19.
1 Commentaire
severy
12 mai 2020 à 21:01« Si chacun nettoyait devant sa porte, l’empire serait propre »
Avec le temps, le laboratoire P4 de Wuhan risque de sentir aussi mauvais que les écuries d’Augias. On demande un Héraklès.