Le 2 mai, pour la première fois en 11 ans, un Conseiller d’Etat et ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi atterrissait à Pyongyang (Corée du Nord). C’était pour s’assurer que la Chine serait bien présente aux négociations de paix. Le 27 avril, Kim Jong-un, le leader du Nord avait semé le doute en prédisant avec son homologue sudiste Moon Jae-in la tenue d’un sommet « tri- ou quadripartite », entre les deux Corées avec les Etats-Unis, mais sans la Chine.
En fait, selon Zhang Liangui, expert des affaires coréennes à l’Ecole du Parti, ce résultat inacceptable pour Pékin, était la conséquence de sa propre position politique : jusqu’à mi-2017, refusant de se laisser entraîner dans l’escalade de tension, la Chine affectait de voir dans ce conflit une affaire exclusivement américaine et nord-coréenne…
Manque de chance, chacune des deux Corées s’était récemment retrouvée en froid avec la Chine. Raison de plus pour souhaiter à présent se retrouver dans la plus grande intimité possible, pour œuvrer à leur rapprochement. Mais pour la Chine, il n’était pas question de se laisser isoler. Wang Yi venait réclamer la présence chinoise dans des négociations « quadripartites », dès les 1ers jours -et non après que Trump et les deux Corées aient tout réglé d’avance. Il insistait aussi pour qu’une fois lancé le démantèlement de l’arsenal nucléaire nordiste, des inspecteurs chinois figurent parmi les experts chargés de vérifier sa disparition « irréversible ». Wang Yi n’a eu nul souci à se faire entendre : à peine ses entretiens entamés à Pyongyang avec son homologue local Ri Yong-ho, qu’un porte-parole affirmait depuis Pékin que « la Chine jouerait un rôle dans l’établissement de la paix sur la péninsule coréenne ».
On devine la pression sur le petit pays stalinien. En effet, tant que Kim maintenait sa course solitaire à la bombe, les relations ne pouvaient être que tendues avec Xi Jinping. Mais depuis que Kim a décidé de s’ouvrir au monde, la réconciliation avec la Chine, le pays le plus riche et influent d’Asie, est incontournable ! Aussi durant deux jours, les débats se poursuivaient intenses, en vue de relance des échanges frontaliers gelés depuis décembre conformément aux sanctions de l’ONU. La Chine ne va pas renoncer à sa part du marché de la reconstruction nord-coréenne, et son influence sur la région. D’ailleurs, dans la ville frontalière de Dandong, les prix de l’immobilier explosent déjà !
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Une autre manière pour la Chine, bien différente, de préparer son avenir, concerne l’intelligence artificielle. Pékin est déterminée à rattraper son retard sur les USA : dès novembre 2017, le Conseil d’Etat programmait l’enseignement de l’IA dans les écoles. Dès avril sortait le premier manuel « Fondamentaux de l’IA » d’un certain Tang Xiaoou, fondateur de SenseTime, la startup à 3 milliards de $ (dont Alibaba est actionnaire) et professeur d’ingénierie à la Chinese University de Hong Kong, en lien avec l’université Normale de Chine de l’Est.
Destiné aux jeunes lycéens, l’ouvrage dévoile les technologies de design de capteurs intégrés à toutes sortes d’équipements : domotique, aviation, automobiles et machines industrielles, qui leur permet d’intégrer de l’expérience, de modifier leur comportement et de raisonner, selon des schémas dérivés de l’intelligence humaine. Zhou Ming, vice-directeur de l’éducation au ministère des technologies de l’industrie et de l’information (MIIT), évalue à 5 millions le nombre de professionnels nécessaires en Chine d’ici quelques années. Quant au marché mondial de l’IA, d’après le Centre de recherche Gartner, il atteindrait 3900 milliards de $ dès 2022… Pour commencer, le manuel sera étudié dans 40 établissements entre Canton, Pékin et Shanghai. Le plan est de l’étendre d’ici 5 ans à toutes les provinces. Les parents, en attendant, ont compris l’enjeu sans retard. Dès les premières semaines, l’édition était épuisée.
Sommaire N° 18 (2018)