Chaque année depuis 9 ans, le Bureau National des Statistiques s’astreint à suivre 237.000 travailleurs migrants (民工, míngōng), dans leur périple à travers Chine. Or, ce travail de bénédictin finit par valoir de l’or, en permettant de tracer un portrait affiné des destins de ces centaines de millions d’âmes déracinées.
Première découverte : cet exode rural touche à sa fin. En 2016, les 282 millions de migrants n’ont augmenté que de 1,5% au total.
Dans cette transhumance du travail, l’homme représente 65,5%. Mais la femme s’émancipe : elles sont 0,9% plus nombreuses qu’en 2015.
Vers les villes côtières, le contingent décroît de 0,3%, (-500.000 migrants) – 5ème baisse annuelle successive. C’est la conséquence nette des efforts des métropoles pour tenir les migrants au loin. C’est un signe sans appel de fin de cycle. Le migrant préfère un emploi plus proche de chez lui en raison de la possibilité offerte : les usines commencent à délocaliser dans les provinces du Centre et de l’Ouest, et attiraient ainsi 7,9% migrants de plus en 2016.
Mais à cette raison s’en ajoute une autre : les migrants vieillissent. Ils ont 39 ans en moyenne, 6 mois de plus que l’an passé. Ainsi, pour la première fois, les moins de 30 ans ne pèsent plus que la moitié de la cohorte (49,7%), et les quinquagénaires (et +) croissent rapidement, comptant pour 19% du total (contre 14% il y a cinq ans).
Le type d’emploi change aussi : 30,5% vont toujours en usine et 19,7% sur les chantiers, mais de plus en plus, quittent les chaînes de production pour les services—comme caissiers, manutentionnaires ou livreurs. Conséquence de la pénurie de bras, les salaires grimpent (3275¥ contre 3072¥ deux ans plus tôt), mais la hausse s’infléchit, +6,6% face aux +7,2% de 2015. Il y a moins d’impayés. La durée moyenne de travail est de 8,5 heures par jour.
Revers de la médaille, sous l’impact de la crise, les métiers des migrants se précarisent : en dépit de la loi du travail, le nombre de sans-con-trats est en augmentation, suggérant une explosion des jobs au noir, taillables et corvéables à merci.
Enfin, ce migrant trouve (trop) lentement les moyens de matérialiser son rêve de sédentarisation. En 2016, 18% (contre 17% en 2015) ont pu obtenir un prêt leur permettant d’accéder à la dignité de propriétaire—nouveau destin en perspective, et tremplin pour leurs enfants.
Sommaire N° 18 (2017)