La fièvre porcine africaine (ASF, « African Swine Fever ») progresse dangereusement en Asie. Le virus, non transmissible aux humains à ce jour, a atteint la Mongolie, le Vietnam, le Laos, la Birmanie, la Thailande et le Cambodge, tandis que le Japon, la Corée du Sud et Taiwan sont encore épargnés. Depuis son arrivée par le nord de la Chine en août 2018, l’abattage de plus d’un million de têtes n’a pas empêché la propagation de l’ASF dans toutes les provinces—Tibet, Xinjiang et l’île de Hainan étant les dernières victimes.
Voulant éviter un vent de panique, les autorités chinoises déclarent que la situation est « sous-contrôle ». Pourtant, selon d’autres estimations, le nombre de bêtes perdues et condamnées à l’être d’ici la fin de l’année, s’élèverait plutôt à 130 millions (un tiers du cheptel chinois).
Petits et grands éleveurs sont frappés par ce virus foudroyant qui tue en quelques jours. Aucun vaccin n’est disponible à ce jour mais la Chine mise 15 millions de $ sur la recherche. Les mesures de quarantaine, assorties de restrictions sur le transport, ont été complétées par une autorisation donnée aux grands élevages de faire eux-mêmes leurs dépistages—jusqu’alors réservés aux services vétérinaires, mais ceux-ci ont vite été dépassés par l’accélération du fléau.
Chez les petits éleveurs, de nombreux cas sont restés non signalés, ou l’ont été beaucoup trop tard. En effet, dès qu’un cochon est malade, tout le cheptel doit être abattu pour éviter la propagation. Pour inciter à déclarer le virus, le paysan s’est vu promettre l’indemnisation de son cheptel. Or, les pouvoirs locaux n’ont pas eu les fonds…
Pour le 1er pays producteur et consommateur de porc, il s’agit d’une catastrophe sans précédent. L’épidémie a déjà un impact sur l’économie. Peu découragée par la peur du virus, la demande en viande porcine, et la coupe sombre sur l’approvisionnement, ont fait s’envoler les prix, pesant sur le panier de la ménagère. A la bourse de Chicago, on se prépare à une explosion des exportations vers la Chine. Il est toutefois certain qu’elles ne pourront pas suffire.
Alors qu’il avait fallu deux décennies à l’Espagne pour finalement éradiquer l’ASF en 1995, l’expert Arlan Suderman évalue entre cinq et sept ans le temps nécessaire pour que s’estompent les effets de l’épizootie, et le retour au niveau d’approvisionnement d’avant la catastrophe en Chine. Sous cette hypothèse, le déficit annuel chinois en viande de porc s’élèverait à 16,2 millions de tonnes, soit 1,3 fois plus que la production des Etats-Unis en 2018. « Aucun pays n’a la capacité de combler ce manque seul, conclut l’expert, à moins que la Chine ne soit prête à payer le prix fort pour enlever cette viande des assiettes des consommateurs américains, ainsi que du reste du monde ».
Par Charles Pellegrin
2 Commentaires
severy
27 avril 2019 à 19:06130 millions de morts, c’est un génocide. Faudrait-il rétablir le cannibalisme dans le pays aux mille-et-une recettes de la viande humaine?
En tout cas, dans une contrée où les plaisirs de la chair passent avant ceux de la chaire, les vieux cochons se font rares.
severy
27 avril 2019 à 19:09La chère, pas la chaire, parole de curé.