Revoilà l’incontournable Salon de l’Auto chinois, cette année à Shanghai (19-28 avril), cœur du 1er marché du monde avec 24 millions de ventes en 2016. Ce salon 2017 bat tous ses records : 1000 exposants, 1400 modèles dont 113 premières présentations mondiales et 159 véhicules à énergies nouvelles (NEV) – 12 de mieux qu’à Pékin l’an dernier.
Les marques de luxe ne connaissent pas la crise ! Depuis janvier les ventes de Maserati ne font qu’exploser (+119%), tout comme les autres griffes (Bentley, McLaren, Ferrari, Aston Martin). Avec les modèles haut de gamme allemands et japonais, ce créneau équivaut à 2 millions de ventes par an, qui passeront à 3 millions sous 10 ans, pour satisfaire les 1,7 million de millionnaires chinois en $ que comptera la Chine. Dès 2020, la Chine aura dépassé l’Europe, comme premier marché du luxe sur 4 roues.
Globalement, en 2016, les ventes ont progressé de 15% – mais cela n’a pas profité à tout le monde. Entre concessionnaires et usines, les provinces fourniraient selon nos sources, une aide aussi occulte qu’efficace à « leurs » marques locales, jusqu’à 30% des coûts de production.
Ces marques ont eu par ailleurs l’heureuse intuition de miser sur le SUV 4×4, que les constructeurs étrangers négligeaient alors. Ils sont parvenus à remarquablement réduire les coûts, au point qu’aujourd’hui à 120.000¥ en entrée de gamme, ce SUV est le chouchou du public, comblant ses désirs de réussite sociale et de sentiment de puissance. Il s’en est vendu 2,4 millions au 1er trimestre, +21%.
On a vu aussi la poursuite d’une impitoyable guerre des prix (jusqu’à 20.000¥ de remise). Tout cela a permis aux constructeurs locaux de récupérer 2% de leurs marchés, passant à 43%. Ce qui est peu : l’acheteur, si possible, préfère la qualité étrangère.
Au passage, d’une façon plutôt amusante, ce salon montre le décalage entre le désir du client, des SUV, et celui de l’Etat, des NEV, terme regroupant les 100% électriques (EV), les hybrides et les piles à combustibles (à hydrogène).
Pour la Chine, ce marché est stratégique : n’étant pas mature, elle peut s’y battre à armes égales avec l’étranger, contrairement aux filières conventionnelles dont les marchés sont trustés depuis longtemps par des groupes mondiaux indéracinables. Les NEV permettront aussi d’alléger la pollution des villes et la facture de pétrole importé. Aussi a-t-il d’abord subventionné lourdement production et achat de NEV locales, avec pour résultat qu’en 2016, la Chine produisait 507.000 NEV, soit 44% du total mondial, dont 97% à mettre au compte de firmes locales.
Pensant à l’avenir, les groupes mondiaux préparaient leurs modèles EV pour 2025, tablant sur une lente amélioration des batteries (l’élément cher de la voiture) et installation par l’Etat de l’indispensable réseau de recharge à travers le territoire. Mais l’Etat chinois les a pris de court avec son plan volontariste et ses subventions musclées à tous niveaux –production, recherche, réseau de charge. Il en a résulté une floraison de véhicules de faible autonomie, mais aussi un cahier des charges imposant des échéances drastiques pour l’avenir, donnant de facto aux locaux une longueur d’avance. Selon ce plan, tout véhicule dote son constructeur de « crédits verts » correspondant à sa baisse d’émissions de CO2 par rapport aux modèles précédents. Les NEV sont bien sûr favorisés. Dès 2018, avec ces « crédits verts », tout constructeur devra avoir 8% de sa production en NEV et 12% en 2020. En cas d’échec, il verra son plafond de production réduit au prorata. Du coup, toutes les marques révisent leurs plans : dès 2016, cinq constructeurs ajoutaient à leur catalogue des séries hybrides. Pour l’an prochain, bon nombre sortiront une « EV », et Toyota lancera sa Mirai, première voiture à pile à combustible (PAC) en Chine, que le groupe testera en octobre dans le pays.
Toutefois cet emballement reflète plus la volonté de l’Etat (« 5 millions de NEV pour 2025, attend Li Keqiang patron du Conseil d’Etat), que le marché réel : au 1er trimestre, une baisse des primes à l’achat de NEV a entraîné un recul des ventes de 4,4%, à 55 929 unités en dépit de nombreux avantages tels l’exemption de taxes et de quotas de plaque d’immatriculation, les 900.000 postes de recharge promis pour la fin de l’année…
Un autre grief de l’étranger est le transfert de technologie obligatoire, aux partenaires chinois. Mais dès mars, l’Etat faisait marche-arrière : il s’agit « d’un malentendu » et les dates limites pour les crédits verts, « pourront être prolongées ». Aussi, en attendant les normes définitives, les industriels tentent de saisir les implications pour leur rentabilité.
Autre tournant du secteur, au salon, les acteurs s’interrogent sur une abolition du système des joint-ventures. Pour les groupes chinois, la fin des JV permettrait de se réserver leurs réseaux de vente, sans partager avec le partenaire étranger. Et les plus créatives et mieux gérées pourraient acculer à la faillite les autres. Geely surtout, y est favorable, et l’Etat semble aller vers cette dérégulation, à commencer par le marché des concessionnaires.
Dernier phare de ce salon, l’auto connectée s’apprête à changer la voiture en la convertissant en smart-phone sur roues et en libérant l’Homme de la conduite. Dans cette catégorie, la star du salon fut le SUV 01 (cf photo) de Lynk & Co, marque lancée à l’automne. Conçue en Suède par Volvo (filiale Geely), ce modèle sera construit en Chine à partir de 2019, vendu 250.000¥. Il se prête à de nouveaux modes de propriété tel l’achat au mois ou au kilomètre, et la garantie « à vie ». Il offre aussi une bibliothèque d’applications ouvertes, développées par le public, pour créer des services spécifiques d’un métier, d’un âge, d’un pays… Même démarche chez Baidu qui offre ses logiciels et bases de données à quiconque pour créer des voitures autonomes. « Au moins 20 » marques chinoises sont intéressées. Ce projet permettra à Baidu d’équiper des millions de voitures en 2020, puis de récolter une masse de données et d’expérience d’utilisateurs, qu’il n’aurait pas autrement. Cela lui fera rattraper plus vite Tesla et Google qui eux, ont des années d’expériences – et nulle envie de partager leur savoir-faire.
1 Commentaire
severy
30 avril 2017 à 08:13On n’arrête pas le progrès. À quand le vélo connecté et les patins à roulette smarts?