La Banque Centrale chinoise sonne l’alarme. Au sujet de l’inflation ? De la flambée de l’immobilier ? Rien de tout cela… Ce qui inquiète les chercheurs, c’est la chute du nombre des naissances, le vieillissement accéléré de la population, et un taux d’épargne en baisse constante.
« La Chine doit reconnaitre que sa situation démographique a changé et que le dividende démographique a été confortablement utilisé. Cette dette doit être payée tôt ou tard », commente Chen Hao (陳浩), un des quatre auteurs à l’origine du rapport rendu public le 14 avril, mais daté du 26 mars. Sa publication intervient à la veille de l’annonce des résultats du grand recensement décennal, qui devrait venir confirmer ces prédictions.
D’ici 2050, les chercheurs prévoient que la population active chinoise (15 à 64 ans) devrait baisser de 15,2%. Le ratio de dépendance, c’est-à-dire le nombre de personnes à charge rapporté au nombre de personnes en âge de travailler, devrait tripler à cette échéance : de 17,8% en 2019 à 43,6% en 2050.
« Les progrès technologiques, scientifiques et en matière d’éducation ne compenseront pas le déclin démographique », avertissent les auteurs. C’est pourquoi ils préconisent de mettre immédiatement fin au planning familial « tant que certains couples veulent toujours avoir des enfants. Libéraliser les naissances lorsque plus personne n’en voudra sera inutile. Si nous hésitons même un tout petit peu, nous allons rater une précieuse fenêtre d’opportunité et répéter les erreurs des pays développés », argumentent-ils.
Depuis 2016, les couples chinois sont autorisés à avoir deux enfants, mais cela n’a pas engendré le baby-boom escompté. Au contraire, le nombre de naissances ne cesse de baisser… « Pour atteindre ses objectifs à l’horizon 2035, la Chine devrait s’attaquer aux problèmes auxquels les femmes font face durant leur grossesse et aux difficultés liées à la scolarisation de leurs enfants par tous les moyens possibles ».
Plus surprenant, un long passage du rapport de 22 pages est consacré à un comparatif avec les États-Unis : alors que la population chinoise va se contracter de 32 millions d’ici 2050, celle américaine va s’élargir de 50 millions, notamment grâce à l’immigration. « Cela met la Chine en position défavorable par rapport aux USA, mais également vis-à-vis à l’Inde [dont le nombre d’habitants devrait dépasser celui de la Chine d’ici 2026] », conclut le rapport.
« La population chinoise vieillit plus vite que dans les pays développés », soulignent les chercheurs. Un constat particulièrement inquiétant étant donné que le PIB moyen par habitant en Chine est deux fois moins élevé que celui des économies développées.
Cependant, les chercheurs recommandent à Pékin de ne pas suivre l’approche « à faible épargne » de ces pays : « la consommation ne sera jamais le moteur perpétuel de la croissance », avertissent-ils. Le taux d’épargne brut des ménages chinois rapporté au PIB a baissé de 51,1% en 2010 à 44% en 2019, selon la Banque Mondiale. Or, l’épargne sera cruciale pour faire face au fardeau d’une population vieillissante, expliquent les chercheurs, qui prennent tout de même le soin de préciser que les opinions présentées dans ce papier ne représentent pas nécessairement celles de la Banque Centrale.
Toutefois, c’est la première fois que les problèmes liés au vieillissement de la population sont abordés publiquement à si haut niveau et sur un ton si alarmiste, ces changements démographiques risquant de freiner le développement économique du pays, voire de lui coûter la première place mondiale tant convoitée. Cette prise de position inhabituelle révèle aussi que la direction à prendre est loin de faire l’unanimité au sommet. Dans le 14ème plan quinquennal adopté début mars au Parlement, le gouvernement s’est d’ailleurs contenté d’annoncer une réforme « graduelle » de l’âge du départ à la retraite et d’évoquer un taux de fertilité « approprié » sans fixer de calendrier ni de mesures précises… Dans ces conditions, le signal d’alarme tiré par les chercheurs suffira-t-il à convaincre le leadership de passer à l’action ?
1 Commentaire
severy
19 avril 2021 à 18:09Enfin, de bonnes nouvelles! (hin hin hin!)