« Croyez-vous vraiment les chiffres d’un pays aussi vaste que la Chine » ? « Ne soyons pas naïfs au point de dire que la Chine a été bien meilleure pour gérer la crise sanitaire. Il y a clairement des choses qui se sont passées dont nous ne sommes pas au courant ». « Rien ne pourra revenir à la normale. La Chine devra expliquer comment l’épidémie a surgi et si elle avait pu être évitée. Il faudra absolument tirer les leçons en profondeur ». Ces morceaux choisis, respectivement attribuables au Président Trump, au Président Macron et au secrétaire aux Affaires étrangères britannique Dominic Raab, sont révélateurs du climat orageux qui règne en Occident lorsqu’il s’agit d’évoquer la Chine. C’est dans ce contexte tendu que Pékin publiait ses derniers chiffres, bien conscient que sa crédibilité est en jeu. Même si chacun sait (le Premier ministre Li Keqiang en tête de liste) que les données officielles chinoises sont à prendre avec des baguettes, Pékin est contraint à un effort de transparence sous pression internationale, mais aussi de sa propre population.
Le 17 avril, la Chine prenait le monde par surprise en publiant un nouveau bilan des décès à Wuhan, et il est très précis. De 2 579 morts, il passait à 3 869, soit 1 290 décès de plus, représentant une hausse exacte de 50% dans la ville. Selon les autorités, ce bilan actualisé est attribuable à un groupe dédié au traitement des données et aux enquêtes épidémiologiques sur l’origine du virus fin mars : « durant cette folle période, le décompte n’a pas pu être bien tenu. Il a fallu ajouter 1 454 cas de personnes décédées à la maison, dans les hôpitaux d’urgence et privés, ou dont les certificats de décès ont été transmis tardivement ou oubliés… et déduire 164 cas de doublons ou d’erreurs de diagnostic (non décédés du Covid-19 ) ». Comme le mentionnait un cadre de la municipalité, l’enjeu est immense : « à travers ces données, c’est la crédibilité du gouvernement qui est en jeu ». Pas de railleries, semblait avertir la directrice technique du programme d’urgences sanitaires de l’OMS, l’Américaine Maria van Kerkhove : « tous les pays seront amenés à réévaluer leurs chiffres ». Sur Weibo, le fait que les autorités reconnaissent leurs erreurs était salué par les internautes. Même si certains questionnent encore la véracité de ces chiffres, une grande partie des Chinois est convaincue d’une chose : le Parti a mieux géré la crise que les autres pays, faisant de la Chine le pays le plus sûr au monde – et provoquant une vague de retours de ses ressortissants, mettant la pression sur les frontières du pays.
Le même jour, la Chine était la première à dévoiler l’ampleur des dégâts du Covid-19 sur son économie : son PIB plongeait de 6.8% au 1er trimestre par rapport à 2019, une chute inédite depuis la fin de la révolution culturelle en 1976, mettant un terme à une ère de croissance ininterrompue. Selon les analystes, un PIB au-dessus de -5% n’aurait pas été plausible. Attendue au tournant, la Chine a donc résisté à la tentation d’enjoliver ses chiffres, ce -6,8% étant d’une « honnêteté rafraîchissante ». Si ce résultat plombe les deux objectifs du Président Xi Jinping pour 2020 : éradiquer la grande pauvreté et doubler le revenu par habitant par rapport à 2010, il lui laisse une chance d’afficher une croissance positive sur la totalité de l’année (1,2% selon les prévisions du FMI), échappant de justesse à la récession promise au reste du monde, la plus grave depuis la grande dépression des années 30. Mais n’est-ce pas reculer pour mieux sauter ? Si la reprise en Chine est plus que timide pour cause de consommation en berne et d’une baisse de la demande étrangère, un fort rebond est attendu pour 2021 : le FMI mise avec optimisme sur 9,2%.
Finalement, cette contraction historique ne serait-elle pas l’occasion pour le régime d’abandonner sa vieille tradition de l’objectif de croissance annuelle, comme le préconisent certaines voix au sein de l’appareil depuis des années ? Les réformistes espèrent surtout que cela va pousser le pays à repenser son modèle économique et entamer des réformes sans cesse remises au placard…
Réponse lors la prochaine session du Parlement qui se profile enfin. Les assemblées locales n’ayant pas encore eu lieu à cause de l’épidémie, se tiendront d’ici la fin du mois, tandis que les 200 membres du comité permanent de l’ANP se réuniront du 26 au 29 avril. A l’ordre du jour notamment, la loi sur la biosécurité. Surtout, ce sera l’occasion de fixer une date pour les « deux assemblées » requérant la venue de 5 000 parlementaires des quatre coins du pays à Pékin. Fin mai est évoqué, laissant encore quelques semaines aux délégués pour effectuer leur quarantaine. D’ici là, la capitale est en alerte maximale, et le district de Chaoyang (3,5 millions d’habitants) reste le seul du pays à être classé à haut-risque… Mais si la Chine est prête à tenir ses « lianghui », c’est qu’elle a fait ses comptes. La session sera donc à suivre de près.
2 Commentaires
severy
19 avril 2020 à 21:12Des réformes, des réformes… Les réformes de fond pourront toujours revêtir l’aspect d’une course de fond au fond d’un défilé rocailleux, à l’image d’une infinité de fractales. Il faut plutôt s’attendre à quelques réformettes juste bonnes à sauver la face face à une population insatisfaite. Tout ce qui compte dans le fond, c’est de permettre aux investisseurs étrangers de récupérer leurs billes, aux multinationales de continuer à engranger leurs profits et à la Chine d’étendre ses filets aux mailles d’acier (made in China) sur le continent africain et les pays d’Asie qui sont, comme des petits poissons, dans sa zone d’influence.
Nushi
28 avril 2020 à 10:35J’aimerais tellement que chaque terrien comprenne que nous sommes juste des invités sur cette planète et que cette pandémie est peut être notre dernière chance de renverser la vapeur..oui nous courons a notre perte en revenant au rythme d’avant février 2020