Publiant le 17 avril son bilan du 1er trimestre, l’Office Statistique reflète une santé insolente de l’économie, mais artificielle. Le PIB du 1er trimestre atteint +6,9%, c’est 0,1% de plus que les prévisions et 0,4% supérieur à l’objectif annuel. La croissance vient des ventes immobilières (+9,1%), de l’industrie (+7,6%) et surtout des investissements fixes (chemins de fer, aéroports…) +23,5%.
Parmi les projets en cours, le prochain aéroport de Pékin à Daxing, dont 4 milliards de $ seront déboursés par China Eastern et China Southern (design ADPI et Zaha Hadid Architects, 7 pistes, 100 millions de passagers à terme, ouverture prévue en 2019) ; et la zone de Xiongan (Hebei, cf photo), le projet de Xi Jinping, à plus de 200 milliards de $. Ces chantiers sourient à l’aciérie : en mars, elle bat son record avec 72 millions de tonnes, +1,8%, et plus que les besoins. Dès mars, les prix ont chuté de 1,15%, et doivent baisser de 7,8% en avril, pire score depuis mai 2016.
L’Etat laisse faire, faute de choix. À présent, 45% de la croissance sont supportés par l’investissement public (contre 40% par la consommation des ménages, un des taux les plus faibles au monde). Mais au-delà d’un certain stade d’équipement, de tels projets voient leur utilité s’éroder. Ils coûtent toujours plus, et servent toujours moins. Pour maintenir son objectif de croissance, l’Etat devra donc s’endetter, et toujours plus à fonds perdus.
Les experts dénoncent cependant un autre effet pervers à ce niveau : en 2015, le pays a en fait thésaurisé 48% de son PIB, plus de 5000 milliards de $, dont la moitié a été effectuée par l’Etat ou par ses consortia. Déduction faite des charges incompressible, l’économiste Martin Wolf calcule que l’épargne ainsi stérilisée, vaut 15% du PIB par an. La nation se retrouve avec des montagnes de dettes qu’il faudra rembourser, et des océans de profits inemployés, lesquels cherchent à sortir du pays pour fructifier au lieu de végéter.
Pour éviter cette fuite, l’Etat doit accroître les contrôles et payer pour soutenir le yuan. Cet exercice lui a fait perdre 1000 milliards de $ ( 25% de ses réserves) depuis mi-2014. Faute de voir la consommation générer la croissance comme en Europe, l’Etat doit s’endetter plus, pour 10 ans encore au bas mot, selon Wolf.
Voilà pourquoi le Conseil d’Etat, tout en promettant depuis 2012 de réduire sa croissance par les projets d’infrastructure, et sa planche à billets, fait le contraire. L’alternative serait de fournir du cash directement aux ménages (pour relancer la consommation) – mais cela casserait la priorité des firmes d’Etat sur l’emprunt. Ou bien d’accepter la mise en faillite des centaines de consortia surendettés, mais ce serait risquer la stabilité sociale—impensable…
Sommaire N° 15 (2017)