Diplomatie : Birmanie-Chine : « On efface tout et on recommence »

Le 5 avril à Naypuidaw (Birmanie), Wang Yi, ministre des Affaires étrangères, rencontra Aung San Suu Kyi, au poste équivalent à celui de 1er ministre. Quoique sans résultats tangibles, ce fut un moment refondateur : une relance, après cinq ans de gel.

Depuis 2011, les rapports étaient bloqués : 50 ans de suzeraineté chinoise avaient irrité la population birmane. En cause, des chantiers géants lancés sans l’avis des autochtones, qui expulsent des dizaines de milliers de paysans, laissant des dégâts environnementaux colossaux faute d’avoir été prévenus en amont. Surtout, le bénéfice allait tout à la Chine, sauf un gros bakchich pour le militaire octroyant la licence. Ainsi le barrage de Myitsone, pour 3,6 milliards de $, expropriait 50.000 fermiers, et devait exporter 100% de l’électricité vers le Yunnan. En 2011, la colère grondait si fort que Thein Sein, Président de la junte, gelait le projet, puis fermait d’autres chantiers dont une mine de cuivre, une ligne ferroviaire. Toutes les négociations étaient rompues. Puis les années ont permis de réfléchir. De part et d’autre, on avait trop à perdre à s’enferrer dans la rupture.

Côté Chine, pas question de laisser les Etats-Unis venir réarmer la Birmanie contre elle, ni d’abandonner ce marché de 60 millions d’âmes où tout reste à rééquiper ; encore moins de renoncer à ce fournisseur de grumes, de minéraux et de gaz. A travers la Birmanie, la route vers l’Inde est encore plus essentielle pour la Chine, par train ou autoroute, gazoduc et oléoduc – le succès régional de son programme « une ceinture, une route » en dépend.

Côté birman aussi, les attentes sont fortes : sans la Chine, son premier investisseur, financier et ingénieur low-cost, pas de croissance rapide. Et puis il y a cette priorité essentielle : s’appuyant sur le prestige unificateur de la « Lady», le pouvoir civil espère à présent pouvoir faire la paix avec ses minorités ethniques, enterrant 70 ans de guerre. Or, un tel accord est impensable sans l’appui de Pékin, vu les 1300 km de frontières communes, qui sont la jungle et le royaume des rebelles.

Mais comment reprendre les relations sur de nouvelles bases, plus équitables et durables ? C’est ce qu’ont étudié Aung San Suu Kyi et Wang Yi, se promettant de définir une feuille de route pour leurs relations futures. Un parcours lent, semé d’embûches, mais l’enjeu est colossal. Cette relation nouvelle, si elle aboutit, sera le modèle pour les autres pays d’Asie du Sud Est—une forme de « décolonisation à la chinoise ».

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