Le 4 avril, l’hôpital universitaire n°3 de Pékin publiait un curieux appel à don de sperme, qui dérivait sérieusement des normes en vigueur. Les donneurs recevraient, pour 10 prélèvements étalés sur 6 mois, une « prime » pouvant atteindre 5500 ¥, mais surtout, ils devaient prouver une loyauté sans faille envers le Parti, et « la plus haute qualité idéologique… aimer passionnément la patrie et le socialisme, et adhérer aux normes de méritocratie… de talent et de moralité » !
A peine publiée, l’annonce déchaîna une tornade d’hilarité à travers le pays, inspirant nombre de quolibets sur les réseaux sociaux – démontrant que l’humour et le bon sens de cette société résiste au matraquage idéologique. Il posa aussi un débat de fond et nombre de bonnes questions, telle celle de Melle Shao, infirmière au Hunan : « certes, l’ADN se transmet de parents à enfant… mais comment peut-on léguer génétiquement idéologie ou patriotisme ? C’est très étrange » ! La question sous-jacente est celle de l’eugénisme, une théorie qui avait été à l’honneur dans l’Allemagne des années ‘30. L’hôpital n°3 de Pékin semblait désireux d’implanter, en ses clientes en attente d’enfant, « une disposition d’esprit ». Or on sait bien que cela ne se transmet que par l’éducation. « C’est un concept raciste, en porte-à-faux avec le progrès de l’humanité », trancha depuis Hong Kong, A-Ping, artiste graphique.
Pourtant, la demande de l’hôpital n°3 est bien réelle et urgente. Depuis 2016, l’Etat permet deux enfants par couple, espérant 30 millions de bébés en plus, d’ici 2050 afin d’abaisser de 2 ans la pyramide des âges. Mais les maris, souffrant de stress et de pollution, ont vu leur fertilité reculer de 12,5% de 1980 à 2010, selon la dernière estimation publique. La demande en fécondation in vitro a donc explosé, et vu la rareté des donneurs (dont 80% sont écartés lors des tests), la liste d’attente s’étire à plus d’un an, forçant les couples les plus fortunés à aller acheter le service, à prix d’or à l’étranger.
Pourquoi avoir accolé à son appel à don de sperme, une exigence politique aussi maladroite ? L’hôpital a pu vouloir se protéger d’un tollé du public, par une attitude idéologiquement impeccable, face à une demande touchant à la sexualité, un sujet très sensible en Chine.
Suite au concert de lazzis et réactions critiques, l’hôpital en 48 heures, effaça discrètement de son offre la condition idéologique—les candidats devaient seulement faire preuve d’un esprit « comme il faut, décent, légal, aimant et charitable ». Puis tout rentra dans l’ordre, prouvant qu’en Chine comme ailleurs, le ridicule ne tue pas.
1 Commentaire
severy
14 avril 2018 à 23:04Mince! Pour une fois que je répondais à tous les critères de recherche imposés par l’annonce!
L’abandon par l’hôpital de ses desiderata idéologiques me les fait littéralement gonfler. Je n’ai plus qu’à reprendre mes billes et à retourner trafficoter en bourse. Vraiment, j’en ai gros sur le haricot.