Le Vent de la Chine Numéro 14 (2017)
Autour de la péninsule coréenne, les 15 et 16 avril, tous les ingrédients étaient réunis pour une crise majeure. Toutes les armées de la région étaient en alerte – le million de soldats nord-coréens, les 400.000 sud-coréens, les 37.500 américains sur la ligne de démarcation, les 175.000 chinois massés à la frontière. Un porte-avions US (le Carl Vinson) et son armada fonçaient vers la péninsule, attendus par une flottille nippone pour faire sa jonction.
Pyongyang fêtait le 105ème anniversaire du père fondateur Kim Il-sung. A cette occasion, le régime présentait une parade militaire – milliers d’hommes au pas de l’oie, chars d’assaut et missiles kakis sur leurs semi-remorques, dont un modèle en apparence nouveau et intercontinental. Les 200 reporters étrangers présents s’attendaient à un sixième test nucléaire imminent, sur le site de Punggye-ri à 630km.
Mais à Washington, Donald Trump venait de promettre de « régler le cas » nord-coréen, si le test devait se tenir. Le Pentagone laissait fuiter un plan d’attaque : les installations de surface seraient pulvérisées sous les missiles Tomahawk (ceux-là même venant de servir en Syrie), et celles basées dans des montagnes, sous la bombe MOAB de 10 tonnes, que l’US Army venait d’étrenner en Afghanistan contre une base souterraine de Daech…
Face au petit allié, la Chine durcit le ton, renvoyant, le 12 avril vers Nampo leur port d’attache, 12 cargos de charbon. Son embargo, dit-elle, a permis de couper de moitié des livraisons coréennes de houille au premier trimestre (causant à Pyongyang des centaines de millions de $ de pertes), mais admet n’avoir pu freiner les échanges généraux qui ont bondi de 54% – les commerçants des deux bords renforçant l’effort, en prévision d’un durcissement du blocus.
La Chine a mis ses troupes en alerte dans les cinq provinces voisines. Mais elle a aussi déployé une diplomatie frénétique, avertissant les USA et la Corée du Nord contre tout pas irrémédiable. Wang Yi, ministre des Affaires étrangères, alerta contre un risque de guerre imminente, où « tout le monde serait perdant ». A Kim Jong-un, Xi Jinping semble avoir présenté un ultimatum discret : renoncer à sa bombe atomique, contre une garantie chinoise de protection militaire, et levée de toutes sanctions de l’ONU ; ou bien insister dans sa course nucléaire, et ne plus devoir compter que sur soi-même face à des attaques américaines ou de coalition, sans compter des sanctions accrues, sans commune mesure avec les actuelles.
Le 16 avril au matin, Kim Jong-un venait de faire tirer un missile à Sinpo (base sous-marine, côte Est), qui a explosé – essai raté. Le secrétariat américain à la Défense a publié un communiqué déclarant le Président « au courant » et réservant ses options.
Où va-t-on à présent ? Une frappe américaine, semble malgré tout improbable, vu la capacité de rétorsion du «pays du matin calme », pouvant rayer Séoul de la carte en quelques heures, viser Tokyo, Los Angeles… La semaine passée, D. Trump avait poursuivi son rapprochement ultrarapide avec Xi Jinping (qu’il a appelé par téléphone), ainsi qu’à propos de l’OTAN – qui étaient deux de ses bêtes noires durant la campagne présidentielle.
Xi lui a bien rendu sa marque de sympathie, en cessant de voter aux cotés de la Russie au Conseil de sécurité (13 avril) lors du vote d’une résolution anti-Bachar el-Assad. C’est donc un retournement de situation important dont toutes les implications n’apparaissent pas encore : il intervient essentiellement en réaction des deux pays à la menace nord-coréenne croissante. Un rapprochement, quoique encore fragile, qui est une condition nécessaire (quoique sans doute non suffisante) à une résolution du problème coréen – qui n’est, vu sous la perspective de l’histoire, qu’un produit de guerre froide, entre puissances, pour l’influence sur l’Asie.
Depuis 18 mois, le monde chinois des affaires se voit plongé en un maelström de courants contradictoires : campagne anti-corruption exacerbée par l’approche du XIXe Congrès, ralentissement de la croissance, méfiance du consommateur, fortes masses de crédits « gris » à l’affût de projets où se fixer.
Ce jeu de forces explique la métamorphose constatée parmi un grand nombre de firmes chinoises, forcées à se réinventer et oser tenter des sorties vers des voies inexplorées. La faim chasse le loup du bois.
Numéro 2 de la téléphonie, China Unicom annonce le 10 avril une émission pour 4,3 milliards de $ en parts « A » (réservée aux investisseurs nationaux). Depuis décembre 2016, China Unicom fait partie d’un programme pilote incluant cinq autres consortia publics, dont China Eastern, China Southern Power Grid, et la CNECC (China Nuclear Engineering and Construction Corp), destiné à réformer leur structure propriétaire en faisant entrer dans leur capital des groupes privés.
Présidé par Wang Xiaochu, ce géant de 265 millions d’usagers est à 76% propriété de l’Etat. China Unicom est le premier de la liste à subir cette privatisation partielle : un choix en partie induit par ses lourdes pertes en 2016, soit 94% des profits, à 625 millions de ¥. Depuis, le groupe cherche à renouer avec la gagne : 45 milliards de ¥ ont été épargnés en fonctionnement en 2017, dont 17 milliards pour le futur réseau 5G. Unicom espère vendre ses parts-A à Tencent, Alibaba et/ou Baidu, détenteurs de services internet complémentaires de sa téléphonie. Mais l’essentiel, dans cette réforme, doit être la capacité future d’Unicom à intéresser le personnel par des stock-options, à recruter et congédier sans pressions du Parti.
Le 24 mars, Huishan, le laitier du Liaoning, perdait 90% de sa valeur en bourse. La nouvelle faisait effet d’une bombe, pour un groupe existant depuis plus de 60 ans, valorisé à 21 milliards de ¥, aux 23 fermes géantes (200.000 vaches). Mais sa dette cumulée s’élevait à 40 milliards de ¥. En décembre, Muddy Waters, de San Francisco, l’accusait d’avoir truqué sa comptabilité. Huishan était mis en faillite fin mars, faute de rembourser un emprunt de 200 millions de $.
Le sort de Huishan expose le problème du rapport malsain des firmes à leurs pouvoirs locaux. Huishan vivait dans un cocon régional où banquiers, politiciens et industriels pratiquent le soutien mutuel, sans surveillance d’une tutelle ni d’un organe interne. Certain de ses appuis financiers, son PDG Yang Kai, investissait tous azimuts : élevage laitier, immobilier, énergies renouvelables, et en bourse. En faillite, Huishan doit 1,35 milliard à Jiutai, banque rurale, et 3,3 milliards à la Banque de Chine. De longue date, Huishan a ouvert son « comité de crédits » pour drainer l’épargne et garantir de nouveaux emprunts. Il n’est pas le seul : la Chine compte 12.836 comités de crédits qui cumulent 14 850 milliards de ¥ de dettes (2150 milliards de $), dont une fraction irrécupérable.
Cette situation, nationale, inquiète le Conseil d’Etat qui tente de faire le grand nettoyage de sa finance : dans les assurances, Xiang Junbo, président de la CIRC (commission de tutelle) est mis sous enquête pour « sérieuses infractions à la discipline ». Le terme se réfère moins à une corruption, qu’à l’imprudente pratique d’avoir laissé les assurances investir en bourse, dans des placements dangereux de type « montagnes russes », incompatible avec le style « bon père de famille » du secteur que Pékin doit à présent assagir.
Dans la banque, de même, Guo Shuqing, patron tutélaire ordonne des audits internes, pour vérifier l’état du risque et de conformité aux lois.
Pour Huishan, le sauvetage pourrait venir de Mengniu, le leader national. Lui aussi a perdu de l’argent en 2016 – mais il ne peut repousser la consigne du Conseil d’Etat. De plus, pour reprendre ce rival en faillite, les conditions devraient être très avantageuses.
Ailleurs Fosun, société d’investissement, voit se retirer un de ses cofondateurs, Liang Xinjun, « pour raison de santé ». En même temps, le groupe freine sa boulimie d’acquisitions hors frontières. Depuis 2010, le groupe a réalisé 130 achats mondiaux pour 38 milliards de $ – une banque portugaise, la maison de couture grecque Folli Follie, le Studio-8 à Hollywood, le Club Med ou le Cirque du Soleil. En mars encore, il tentait de reprendre les parkings automobiles néerlandais Q-Park pour 2,4 milliards de $, mais finissait par jeter l’éponge. Il parvient cependant encore à reprendre Paref (Paris Realty Fund), maison française de gestion de fortune au patrimoine de 176 millions de $.
Après le départ de Liang, les deux autres membres du trio fondateur dont Guo Guangchang (le « Warren Buffett » chinois) assurent vouloir poursuivre la stratégie de croissance par acquisitions mais avec moins de fougue, et en menant un désendettement parallèle. De 57% en 2016, la dette du groupe à moyen-long terme est passée à 65% en 2017. Il est temps de se prémunir d’un crash, toujours possible.
En industrie ferroviaire, Full Hill (Hong Kong) rachète deux groupes allemands et un brésilien de production de bogies. C’est afin d’apporter en Chine une concurrence longtemps attendue à Zhibo, JV sino-italienne détenant 80% et dictant les prix.
CRRC le consortium d’Etat emporte un contrat de 69 wagons de métro pour la ville de Nagpur (Inde), assorti de 10 ans de maintenance.
Ces deux dernières affaires manifestent l’inexorable montée en puissance de la Chine sur le marché ferroviaire mondial, en lien avec sa stratégie émergente de « une ceinture, une route » (OBOR). La menace n’a pas échappé aux concurrents Siemens et Bombardier, qui négocient une fusion de toutes leurs activités ferroviaires, en une JV dont le chiffres d’affaires combiné s’élèverait à 16 milliards de $ – soit la moitié de celui de CRRC.
En mars et avril, les préparatifs du XIXe Congrès d’octobre s’accélèrent. Pour représenter les 88 millions de membres et 4,4 millions d’organes affiliés, les 2300 délégués du PCC sont sélectionnés « dans l’ordre, sans heurts », selon Xinhua.
25% des provinces ont déjà leur futurs patrons, promus d’un coin à l’autre du pays, en un savant jeu de chaises musicales tenant compte des états de service, de la compétence et surtout de la loyauté au 1er Secrétaire, Xi Jinping. Sur ces promotions, un premier regard permet déjà quelques remarques instructives.
L’âge moyen baisse de 5 à 6 ans : le Secrétaire ou gouverneur de 2017 a en moyenne 55 ans, est protégé de Xi Jinping ou Wang Qishan et relaie un sexagénaire de l’écurie des ex-Présidents Hu Jintao ou Jiang Zemin, mis au rancart.
Statutairement, le poste de gouverneur dépend de la branche civile du pouvoir (l’ANP). Le Secrétaire lui, émane de la branche politique, du Comité Central. Les Secrétaires seront confirmés en octobre par le Congrès, les gouverneurs eux, en mars 2018, par le Parlement. Subtilité qui ne change rien à la source réelle de leur nomination (le PCC), ni à leur date d’entrée en fonction.
Au Shandong, Gong Zheng, 57 ans, passe gouverneur « par intérim ». À l’instar du maire de Pékin, Cai Qi et le n°2 du département de la Publicité (Propagande) Huang Kunming, Gong fait partie du « gang du Zhejiang », où Xi Jinping officiait avant 2007. Toujours au Shandong, le Secrétaire sera Liu Jiayi, remplaçant Jiang Yikang. C’est un rare cas d’un homme de Hu, relayant un autre homme de Hu.
Au Gansu, Tang Renjian (55 ans) passe gouverneur, après y avoir exercé six semaines le poste de vice-Secrétaire. Lin Duo, son prédécesseur, protégé de Wang Qishan, devient Secrétaire du Parti. Wang Sanyun, l’homme de Jiang Zemin qui tenait le poste, passe à la trappe.
À Tianjin, Zhang Yuzhuo, 55 ans, ex-PDG de Shenhua, le consortium public du charbon, deviendra vice-maire.
À Hainan, Liu Cigui, 61 ans, ex-ministre des Océans et gouverneur de l’île, passe Secrétaire—relayant Luo Baoming, lieutenant de Hu Jintao et ancien de la Ligue de la Jeunesse (l’ancien fief de Hu). Shen Xiaoming, après avoir été ministre de l’Education puis vice-Secrétaire de la province, passe gouverneur.
Au Heilongjiang, Zhang Qingwei, 55 ans, ingénieur aéronautique, gouverneur du Hebei, sera le Secrétaire. Wang Xiankui, son prédécesseur de 64 ans, passe donc à la trappe.
Xu Qin, 55 ans, ancien Secrétaire pour Shenzhen, semble rétrogradé en passant secrétaire-adjoint au Hebei, … Mais c’est pour mieux le promouvoir ! Expert high-tech, il est pour beaucoup dans la reconversion réussie de Shenzhen dans les services et l’industrie robotisée. Un autre poste l’attend donc au Hebei : celui de gouverneur, en charge de la future zone de Xiongan, à 160 km au sud de la capitale.
À Chengdu, (chef-lieu du Sichuan, 11 millions d’habitants), le prochain Secrétaire sera Fan Ruiping.
À Shenzhen, le successeur de Xu Qin est Wang Weizhong, 55 ans, ex vice-ministre des Sciences et Technologies, et depuis octobre 2016, Secrétaire à Taiyuan (Shanxi). Avec d’autres cadres, il avait été parachuté en catastrophe en 2014 dans cette province du Shanxi pour prendre la relève d’une « charrette » de cadres locaux limogés pour corruption.
À Nankin (Jiangsu), le Secrétaire sera Wu Zhenglong (52 ans), un des seuls proches de Bo Xilai qui n’a pas disparu dans la tourmente avec lui. Wu faisait également partie des cadres venus au Shanxi en 2014, relayer le pouvoir local décimé par la Commission nationale de discipline anti-corruption (CCID).
On le voit bien, la disgrâce par Xi des lieutenants de ses prédécesseurs, est donc la règle. Mais elle souffre une exception : au Guangdong depuis 2012, le 1er Secrétaire Hu Chunhua (54 ans, cf photo à gauche), cadre de 6ème génération pressenti par Hu Jintao, est chaleureusement félicité par Xi, qui « endosse inconditionnellement les cinq années » de son mandat. À ce rare traitement de faveur, trois raisons viennent à l’esprit :
– sa gestion économique du Guangdong qu’il a réorienté (en suivant le modèle de Shenzhen) vers une industrie connectée ;
– sa répression en 2016 de la dernière rébellion de Wukan, bourgade qui avait pu se doter en 2011 d’une mairie issue d’élections libres. A l’époque, Wang Yang, Secrétaire de la province, devenu vice-Premier, avait géré la crise avec brio, au nom de l’harmonie sociale.
– sous réserve d’inventaire, le respect d’un deal secret entre Xi Jinping et son prédécesseur à la passation de pouvoir, en octobre 2012. Hu Jintao cédait gracieusement son rang de n°1 de l’APL (ce qu’il n’était pas obligé de faire avant mars 2013, et ce que Jiang Zemin avait refusé de faire en octobre 2002). En échange, Xi se serait engagé à laisser « petit-Hu » reprendre son poste en 2022 à la fin de son mandat. Que Hu Chunhua succède à Xi, apparaît pour l’heure d’autant plus plausible que Sun Zhengcai, 54 ans également (cf photo, à droite), disciple de l’ex-Premier ministre Wen Jiabao et Secrétaire de Chongqing, est critiqué pour sa trop lente « dé-Bo-ïsation » » de la ville.
Enfin, après avoir été déclaré « cœur du Parti » lors du dernier Congrès de 2016, on prête à Xi Jinping le projet d’inscrire à la Constitution, lors du prochain Congrès d’octobre, un slogan « bannière », qui le ferait apparaître maître, non seulement des hommes et des organes, mais aussi de l’idéologie du Parti. Ce serait le plus court chemin pour imprimer ses grandes réformes durant son second mandat. S’il réussit alors qu’il est encore au pouvoir et que le slogan comporte son nom, il serait le premier leader depuis Mao à accomplir un tel tour de force. Toujours est-il que le mystérieux slogan n’est pas encore connu—sans doute que les rédacteurs de Xi planchent d’arrache-pied pour trouver la bonne formule !
« Pour 72.000 $, dénoncez un espion étranger » ! Telle est la dernière offre de la police pékinoise à ses résidents, fort diffusée dans les médias, suite à une décision du ministère de la Sécurité d’Etat d’intéresser les masses à « graduellement bâtir une grande muraille d’acier contre l’espionnage ». Raison alléguée : « Pékin est le choix n°1 des agences d’espionnage étrangères et autres forces hostiles pour leurs activités d’infiltration, division, subversion et vol de données ».
Un détail important est à relever : dans l’histoire du régime, sous Mao et sous Deng en particulier, les appels à la délation n’ont jamais été rémunérés. Cette innovation – et ce tarif élevé – signale que le peuple chinois adhère moins qu’hier aux campagnes répressives, même au nom de la patrie.
Y a-t-il vrai danger ? Des « honorables correspondants » existent bien dans la capitale, sous couvert d’un métier avouable. Mais la plupart de ces êtres discrets sont connus des renseignements locaux, au point de travailler avec eux, en échange d’informations. Au reste, la surveillance des étrangers, sans cesse perfectionnée au fil des années, devrait suffire à protéger les données d’un des régimes les plus confidentiels de la Terre.
Alors, pourquoi une telle campagne ? Une réponse pourrait être la bataille du XIXe Congrès d’octobre. Dans ce climat, lancer une campagne de délation permet à ses auteurs de démontrer à bon compte leur loyauté envers le Parti.
Autre clé de lecture : le ralentissement économique. On voit croître un certain parallélisme entre la baisse de croissance et une discrète poussée xénophobe sur les réseaux sociaux. Dès mai 2014, Global Times accusait des agences de renseignement étrangères de chercher à recruter des étudiants chinois pour les placer comme « oreilles » dans les ministères—ce qui, au passage, est une pratique courante de la Chine en Europe et en Amérique.
De même, en avril 2016, le régime publiait une BD issue du ministère de la Sûreté publique, recommandant aux étudiant(e)s d’éviter toute romance avec des étrangers. Ils seraient de potentiels espions, en quête de secrets d’Etat.
Un dernier élément de réponse peut résider dans la forte tension actuelle dans l’opinion, face aux scandales répétés – alimentaires, corruption et pollution. Braquer le projecteur sur une menace étrangère, est un moyen bien connu de détourner l’attention.
Depuis 2010, la Norvège était en froid avec la Chine, suite à l’octroi du Prix Nobel de la paix au dissident Liu Xiaobo. En 2009, ce dernier avait été condamné à 11 ans de prison, pour avoir osé rédiger et faire signer une charte réclamant le passage à la démocratie multipartite. Suite au Nobel, l’Ambassadeur chinois avait été rappelé, les bureaux de Statoil (qui fournissait à l’époque à la Chine 100.000 barils par jour ) avaient été fermés, et les importations de saumon norvégien bloquées.
En décembre 2016, Xi Jinping tournait la page, au nom des « explicites explications » d’Oslo. Puis du 7 au 11 avril, il recevait Erna Solberg, 1er ministre de ce pays de 5 millions d’âmes, et lançait une invitation au roi Harald V en 2018.
Comme pour rattraper les années perdues, 6 mémorandums ont été signés – sur un traité de libre-échange, et sur les sports, en vue des JO d’hiver de 2022. En effet, ce pays hors de l’Union Européenne, a accumulé des savoir-faire uniques, intéressants pour la Chine.
Le dialogue va donc reprendre sur le modèle d’Etat-providence à la norvégienne (sa couverture sociale, son système éducatif favorisant la socialisation), ses pavillons maritimes, ses renouvelables (41% de son énergie). Son pétrole aussi est attractif, par ses techniques d’exploration et d’extraction en eaux profondes et par ses réserves. Déjà exploitant en eaux britanniques (gisement Buzzard, via sa filiale Nexen), CNOOC veut explorer en eaux norvégiennes. La veille de la visite de Mme Solberg, CNOOC recevait un vice-ministre norvégien du pétrole, accompagné d’une brochette de PDG de l’or noir.
Le retour en grâce de la Norvège, ouvre un peu plus à la Chine l’accès au cercle arctique, qu’elle guigne comme nouvelle frontière—pour les pêcheries et les ressources du sous-sol. Avec Oslo de son côté, Pékin peut négocier à « 5+1 » avec les cinq Etats du Conseil Nordique.
Enfin, cette crise qui s’achève, jette un éclairage cru sur la toile de fond du processus décisionnel chinois. Clairement, durant ces sept années perdues, les secteurs qui ont souffert de cet ostracisme (les pétroliers, les importateurs alimentaires) ont tenté en interne de défendre l’impératif de croissance. Mais les idéologues ont tenu bon, au nom du dogme de l’infaillibilité du Parti et du pouvoir absolu. L’image qui subsiste de cette péripétie suggère une forte discipline, mais aussi un rapport de force tendu, assez éloigné de l’image de façade harmonieuse du régime.
Après sa première apparition en mai 2016 qui fit un tabac internet, avec 32.000 spectateurs online et des centaines de milliers d’autres les jours suivants, Qiu Zhizhen a organisé pour ses fidèles followers, deux rendez-vous par jour, à 8h30 du matin et du soir.
Ses émissions du matin, elle les dédie aux souvenirs d’enfance ou d’hier, enrichis des images de la nuit arrachées à ses rêves. Celles du soir, elle les consacre aux nouvelles du quartier, à son dialogue avec la petite caissière de supérette, au garçon dans le bus qui s’est levé pour lui céder sa place quand dix autres restaient tête baissée, regards scotchés à leurs écrans de smartphones… Autant de clins d’œil et d’anecdotes racontées avec pétulance et bonne humeur.
Une partie de l’émission consiste à répondre aux questions défilant en bas de l’écran. Chaque jour, Mamie Zhizhen calme les jalousies, explique comment redonner appétit au bébé qui pleure parce qu’il fait ses dents. Elle conseille ceux ou celles qui redoutent le mariage. Elle explique l’incivisme sur la voie publique…
Lors d’un live souvent réécouté depuis, Zhizhen raconte comment son mari et elle se rencontrèrent, et quel choix délicat lui revint à l’époque. Son père et sa mère lui cherchaient un mari – elle n’avait que 15 ans à l’époque ! Mais ses parents s’inquiétaient à juste titre de cette Révolution de 49 qui avançait comme un géant aveugle, brisant tout sur son passage – les mœurs comme les hommes. Avec un bon mari, pensaient-ils, Zhizhen aurait plus de chances de survivre. Aussi, en 1951, une entremetteuse lui avait-elle présenté la photo d’un garçon de 20 ans, fils de propriétaire terrien qui s’était engagé dans l’Armée Populaire de Libération pour échapper à l’arrestation comme « droitier ». Il avait également reçu une photo d’elle. C’est tout ce dont ils auraient droit, en guise de prise de contact.
Face à une situation aussi complexe, les deux jeunes avaient simplement obéi à leurs parents, disant « oui » à cette union, sans se laisser rebuter par son aspect abstrait et platonique. Aussi étriquée qu’elle soit, c’était la chance de bonheur qui leur était réservée, et à cette époque, bien des gens n’en avaient pas autant. Malgré leur jeune âge, ils en étaient parfaitement conscients !
Les fiançailles durèrent 7 ans, passés en échanges épistolaires, jusqu’à ce jour où le conscrit, entretemps promu lieutenant, put enfin rendre visite à sa promise, à faveur d’un climat idéologique un peu moins tendu. Il arriva donc pour la présentation formelle – il avait 27 ans, elle 21. « Malgré l’ambiance lourde de mon clan réuni au complet, se remémore Zhizhen, nous parvînmes à nous plaire ». Des noces prolétaires furent alors expédiées à la va-vite : six voisins et amis, quelques mètres de guirlandes écarlates et papiers découpés en double bonheur, un litre de vin jaune de Shaoxing, 3 poulets et une livre de porc obtenus à prix d’or, les rations de farine des deux familles, pour rouler les jiaozi… « Et l’affaire était bouclée », conclut la grand-mère esquissant un sourire, faisant ainsi rêver des dizaines de milliers de jeunes.
Zhizhen devient ainsi la confidente de jeunes adultes, entre 20 et 30 ans, perdus dans des quartiers de béton, en appartements impersonnels et exigus. Ni à l’école, ni en famille, ils ont eu l’occasion d’apprendre à dialoguer. Travaillant de trop longues heures, ils ont bien du mal à se faire de nouveaux amis. Aussi, face aux grandes étapes initiatiques de la vie – la conquête de l’autre, l’entrée en ménage, la volupté partagée – ils sont seuls, mal-préparés, sous-pression.
Zhizhen lit les questions de ces jeunes et leur répond. Quand ces derniers lui réclament une chanson, elle s’exécute toujours, tout en les désignant d’un sobriquet affectueux, « bébés » (宝宝们).Elle les fait parfois bien rire en répétant d’un ton de néophyte les derniers mots d’argot à la mode. Ils lui témoignent leur reconnaissance en lui lançant sur sa page du portail des fleurs ou ballons : cadeaux « virtuels » qui ne sont le sont pas tant que cela, puisqu’échangeables en argent réel. Or, ils sont 240.000 à suivre ses émissions – score bien plus élevé que celui de sa petite-fille Meidan qui l’avait initiée, et qui n’en est pas jalouse pour deux sous et même plutôt fière de voir son aïeule faire mieux qu’elle…
Ils seraient 325 millions entre Tibet, Mongolie, Kunming et Hainan à utiliser ce type d’applications de vidéo en direct—soit la moitié des internautes du pays, véritable phénomène de société.
Régulièrement, mamie Zhizhen rappelle le secret qui résume sa morale de vie et le secret de sa vitalité : « toujours joyeuse, jamais en colère » (xīnqíng shūchàng, yùshì bùnù), 心情舒畅 遇事不怒). Et c’est ainsi que Zhizhen s’est faite grand-mère universelle, tout en s’amusant, et en donnant un nouveau sens, le plus riche de tous, à son 4ème âge !
17-19 avril, Pékin : AIFE (Asia International Import Food Exhibition), Salon international de l’agroalimentaire
17-19 avril, Pékin : China International Green Food and Organic Food Exhibition, Salon international de l’alimentation bio
17-19 avril, Pékin : CIHIE – China International Healthcare Industry Exhibition- Salon international de l’industrie de la santé
18-20 Avril, Pékin : 7ème EU-China Strategic Dialogue
18-21 avril, Shanghai : SNEC, PV Power Expo, Salon et Conférence internationale sur l’énergie photovoltaïque
20-22 avril, Xi’an : CNHE, Salon international des équipements de chauffage et de l’air conditionné
20-23 avril, Shanghai : Shanghai World Travel Fair, Salon mondial du voyage
20-23 avril, Harbin : World Dairy Summit China, Salon des produits frais