« Je souhaite que nos amis chinois aient encore et toujours davantage envie de visiter notre pays. Nos paysages, notre culture, notre gastronomie les attendent ». C’est en ces termes que le Président Macron, en visite d’Etat à Pékin, a officiellement invité les touristes chinois à s’envoler de nouveau vers l’Hexagone, après trois ans passés en Chine pour cause de politique « zéro Covid ». Pour mémoire, plus de 2 millions de touristes chinois se rendaient en France chaque année avant la pandémie et contribuaient à l’économie du pays à hauteur de 3,5 milliards d’euros par an, soit 7% des recettes touristiques.
A croire un récent sondage, leur désir de venir découvrir l’Hexagone est resté intact : le pays reste la destination européenne par excellence et se classe parmi le top 10 de leurs destinations favorites.
D’ailleurs, dès le Nouvel An chinois, les touristes Chinois se sont remis à voyager en Asie. Hong Kong, Macao, la Thaïlande et Singapour arrivent en tête, tandis que le Japon et la Corée du Sud devraient suivre après la levée des mesures restrictives.
Alors, à quand leur retour en Europe, et plus précisément en France ? « Dès cet été », anticipent les professionnels du secteur, voire « cet automne, lors de la Golden Week ». Cependant, personne ne s’attend à une reprise explosive. Certes, la délivrance de passeports pour les ressortissants chinois a enfin repris et les agences de tourisme chinoises, qui ont énormément souffert durant la pandémie, ont obtenu l’autorisation de faire voyager des groupes dans 60 pays, dont la France.
Néanmoins, plusieurs obstacles au voyage demeurent, en premier lieu le prix des billets d’avion qui reste bien plus élevé qu’avant la pandémie. Actuellement, seuls 8 vols hebdomadaires relient l’Hexagone et l’Empire du Milieu, contre plus de 90 en 2019. Or si le nombre de vols n’augmente pas, les prix ne pourront pas baisser significativement. Les trois plus grandes compagnies aériennes chinoises, qui ont enregistré des pertes abyssales l’an dernier (38,6 milliards de yuans), souhaitent rapidement augmenter le nombre de liaisons. Seulement, si la réouverture n’est pas progressive, cela pourrait se faire au détriment des parts de marché d’Air France sur ces lignes. En effet, durant la pandémie, la compagnie française avait privilégié des liaisons plus rentables. L’abandon du « zéro Covid » fin 2022 ayant pris le monde de court, Air France n’est pas encore prêt à réaffecter appareils et équipages nécessaires sur les vols France-Chine. Une situation dans laquelle se retrouvent de nombreuses compagnies aériennes.
Mais avant même d’embarquer vers la France, il faut obtenir un visa. Or les consulats comme les prestataires de services qui se chargent de traiter les demandes, ont sensiblement réduit leurs effectifs, conséquence là encore de trois années d’une politique sanitaire stricte ayant empêché les Chinois de voyager à l’étranger.
C’est ainsi qu’on ne devrait pas retrouver le niveau de fréquentation de 2019 avant 2024 ou 2025. Selon le China Outbound Tourism Research Institute (COTRI), la Chine devrait représenter 180 millions de voyageurs en 2024, soit 10 millions de plus qu’en 2019. L’administration chinoise de l’aviation civile (CAAC), prévoit quant à elle que la reprise du trafic aérien devrait retrouver 75% de son niveau d’avant la pandémie dès cette année, avec 460 millions de voyages de passagers.
Cependant, les touristes chinois de demain ne seront pas les mêmes que ceux d’hier. La pandémie a laissé des traces dans les esprits et a également changé leur façon de voyager. Dans l’Hexagone, les professionnels du secteur s’attendent à recevoir moins de groupes qu’hier ou alors de taille plus petite et davantage de voyageurs en solo, en couple ou en famille. La France devrait également attirer une clientèle plus aisée, cherchant à découvrir des destinations méconnues et plus « nature », tels que les Hauts de France et ses trésors cachés, les Pyrénées et leurs grands espaces, Arcachon et la dune du Pilat, la région Centre Val de Loire et ses balades à vélo ou encore la Bretagne – autant de destinations mises en avant par Atout France ces trois dernières années.
Une chose ne change pas : le critère « sécurité » reste primordial à leurs yeux, le nombre d’actes anti-Asiatiques ayant explosé depuis la pandémie… Mais il y a de quoi être optimiste : puisque la Chine a accueilli par deux fois les Jeux Olympiques en 14 ans, les Chinois pourraient être nombreux à faire le déplacement à l’occasion de ceux de Paris en 2024, année qui marquera également le 60ème anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et la France et sera celle du tourisme culturel franco-chinois.
C’est ainsi que les musées et châteaux français se mobilisent dès à présent pour être prêts au moment venu : reprise du dialogue avec les tour-opérateurs chinois, présence réactivée sur les réseaux sociaux WeChat et Weibo, visites en live-streaming… Tous les moyens sont bons pour (re-)conquérir le public chinois, d’autant que le potentiel de croissance laisse rêveur : si le Château de Versailles accueillait 13% de touristes chinois avant la pandémie, ils ne représentaient que 3% des visiteurs du domaine de Chantilly, du Musée d’Orsay, du Château de Chambord et 1% de ceux du Centre Pompidou…
Sommaire N° 13 (2023)