Le 21 février, l’Etat publia une directive choc : à travers le pays, les « résidences murées » devraient « graduellement s’ouvrir, et les voies privées se raccorder au réseau public ». C’était la décision d’un meeting national d’urbanisme de décembre, premier du genre depuis 1970. L’annonce provoqua une levée de boucliers : le soir même, 85.000 internautes votaient sur sina.com, dont 75% « contre ».
Cette décision partait d’un besoin, celui d’« épargner l’espace et réagencer le trafic (routier) ». D’autres arguments contre les « cités murées » n’étaient pas cités par le rapport public, comme le besoin de ranimer une vie de quartier (des marchés, des boutiques, des parcs), celui de relancer les échanges entre voisins, ou la nostalgie des passages et galeries qui font le charme de villes comme Paris ou Londres.
Si les habitants s’insurgent contre ce principe, c’est d’abord qu’ils n’ont pas été consultés. Appréciant la sécurité créée par leurs murs, ils ne veulent pas la perdre. Fin des années 2000, 10 résidences pékinoises, juste murées, ont vu reculer de 85% la délinquance, selon le ministère de la Sécurité publique. Une autre objection concerne la propriété : ayant payé pour la création de leurs parcs et voies privées, les résidents s’en considèrent propriétaires.
De plus, le modèle est historique : le socialisme a introduit ce type de résidence en Chine : après 1949, il fallait offrir aux apparatchiks des « murs rouges », pour une vie meilleure, plus d’espace et d’intimité.
Fin des années ‘80, on recensait 25.000 résidences murées à Pékin, et à Shanghai et Canton, elles représentent 80% du logement bâti depuis les années ’90. La classe moyenne plébiscite la formule, comme symbole d’ascension sociale et d’espace de liberté privée…Ainsi la remise en question de l’espace urbain chinois, s’accompagne d’une forte charge émotionnelle.
Parmi les contre-propositions qui circulent, l’une est de scinder les résidences géantes du Nord du pays (qui dépassent souvent 50 hectares, contrairement à celles du Sud, Shanghai y compris) et de rendre leur voirie à la circulation. L’autre suggère d’attendre l’issue des 70 ans de durée de vie des titres de propriété, pour changer les règles, une fois révolu le droit d’utilisation du sol.
Sommaire N° 12 (2016)