Fin 2015, le maire de Hefei (7 millions d’habitants) dans la province de l’Anhui eut à prendre une décision difficile : faute de pouvoir atteindre autrement les objectifs environnementaux annuels fixés par Pékin, il dut faire fermer une grosse centrale thermique du périmètre urbain, quitte à recaser 5000 employés. C’est ainsi que, la propreté de l’air, de l’eau et du sol, est devenue la priorité.
Le 13ème Plan reflète ce nouvel impératif. D’ici 2020, Li Keqiang, le Premier ministre, veut avoir rétabli dans 338 villes une qualité d’air satisfaisante, au moins 80% du temps. Les émissions industrielles de particules fines dans l’air (jusqu’à 2,5µ) auront dû baisser de 25% – c’est la 1ère fois que ce critère entre dans un plan quinquennal. Pour 2020, en « intensité par point de PIB », la consommation d’eau devra avoir baissé de 23%, celle de charbon de 18%, celle d’énergie de 15% (et de 50% par rapport à 2005). Pour atteindre ces objectifs, des moyens colossaux seront mis en œuvre : démantèlement de vieilles unités, révision des prix et taxes de ces « commodities », marché carbone, irrigation économe… L’énergie solaire doit tripler à 150 GW. Elle fait aujourd’hui 43 GW, 70% de la planète. Le parc éolien doit atteindre 250 GW en 2020, le nucléaire, 58 GW.
C’est surtout l’esprit de gouvernance qui change : les objectifs chiffrés aux cadres disparaissent (trop contournables), remplacés par des plans par type de pollution (« air », « eau » et « sol ») combinant tous les outils, à commencer par la responsabilisation de tous les cadres. Fort de sa loi environnementale révisée, le ministère frappe plus dur les usines fraudeuses, ou les cadres qui les couvrent : il lance une enquête pour une amende trop légère (603¥) contre une usine de Gaoyou (Jiangsu) ayant déversé des effluents non retraités.
D’ici 2020, les forêts auront reconquis 23% du territoire—la tendance est déjà engagée, avec 160.000 km² de frondaisons regagnées depuis 2006. Chaque province prépare un centre de recyclage de déchets dangereux pour éradiquer l’épandage sauvage. Des millions de foyers ruraux passeront à des moyens de chauffage (plus) propres, écartant le charbon azoté et soufré : d’ici 2017, le Hebei remplacera 90% des vieux poêles. Il lui en coûtera de lourdes subventions en combustibles au paysan pour éviter qu’il ne revienne rapidement au charbon polluant. Toujours d’ici 2020, le Hebei veut aussi avoir fermé 240 aciéries sur 400 (un million d’emplois).
Concernant le carburant automobile, après des décennies de complaisance envers ses compagnies pétrolières, la Chine s’apprête à opter pour les standards californiens, les plus stricts. Le scandale des moteurs trafiqués de VW l’ont convaincu d’abandonner les normes européennes, dites trop permissives. En 5 ans, en outre, après déploiement d’un réseau de recharge et d’une nouvelle génération de véhicules hybrides, l’automobile électrique doit conquérir des parts de marché.
Déjà 1er mondial avec 19.000 km de voies, le TGV chinois passera en 2020 à 30.000 km, et le chemin de fer classique à 120.000 km, pour un transport moins polluant que celui par route.
De tous ces efforts, quelle conclusion tirer ? L’environnement en Chine, cesse d’être un concept philosophique pour entrer dans les mœurs, et l’ère de la réalisation. Devenu 1a priorité, il n’a plus qu’un rival : l’ emploi. Pouvoirs centraux et locaux doivent désormais les faire coexister en bonne intelligence, pour réparer un cadre de vie profondément dégradé, où tout est à réinventer. Mais la Chine semble n’être jamais si à l’aise qu’en se confrontant à ce genre de défi urgent.
Sommaire N° 12 (2016)