Editorial : Montagnes russes pour actions chinoises

Montagnes russes pour actions chinoises

De Hong Kong à New York, les cours des entreprises chinoises ont fait les montagnes russes ces derniers jours. Le 14 et 15 mars, ils ont enregistré leur chute la plus importante depuis la crise financière de 2008, en perdant 75% par rapport à leur valeur la plus haute. Les géants de la tech en particulier, ont vu leurs gains des neuf dernières années s’envoler en fumée.

Le contexte international y est pour beaucoup. Au lendemain des déclarations américaines affirmant que Pékin aurait accepté la demande de soutien de Moscou, les investisseurs craignent que les entreprises chinoises se retrouvent, à leur tour, impactées par les sanctions occidentales. Le risque d’inflation lié à la guerre en Ukraine pèse également sur les cours. Autre facteur : la commission boursière américaine (SEC) a nommé cinq compagnies chinoises qui seront délistées si elles ne fournissent pas prochainement leurs rapports d’audits.

Mais ce sont surtout les incertitudes liées à la situation domestique qui ont plombé les actions chinoises. La Chine connaît en effet son rebond épidémique le plus sévère depuis deux ans et les mesures sanitaires associées, comme le (semi-)confinement d’un certain nombre de grandes villes, de Shanghai à Shenzhen, pourraient peser sur la croissance.

Les incertitudes réglementaires visant les grandes entreprises technologiques chinoises n’ont rien arrangé. Selon le WSJ, Tencent encourrait une amende record pour violation des règles « anti-blanchiment » d’argent. Son rival Alipay serait lui aussi inspecté cette année. Didi Chuxing a également été contraint d’interrompre ses projets d’introduction en bourse à Hong Kong faute d’avoir règlé certains problèmes de sécurité informatique. La plateforme Douban elle, a été accusée par l’administration du cyberspace (CAC) d’avoir « alimenté le chaos en ligne ». En parallèle, la CAC a dévoilé de nouvelles règles encadrant les activités des mineurs sur internet, des jeux vidéo et du live-streaming. Désormais, tous les opérateurs de services en ligne devront intégrer un « mode jeunesse ». Ce sont tous ces facteurs qui ont précipité la chute des cours des entreprises chinoises…

Jusqu’à ce que Pékin décide d’intervenir. À l’issue d’une réunion du comité pour la stabilité financière et le développement (FSDC) qui supervise la banque centrale et les régulateurs financiers le 16 mars, le vice-premier Liu He s’est engagé à faire le nécessaire pour soutenir l’économie au premier trimestre, introduire des mesures favorables aux marchés boursiers, dialoguer avec la SEC pour arriver à un accord sur les procédures d’audit, voire aider les sociétés chinoises souhaitant entrer en bourse à l’étranger.

Le secteur immobilier s’est également vu promettre des « solutions de mitigation et de prévention des risques » ainsi que « des mesures de soutien visant à promouvoir une nouvelle approche de développement  ».

En sus, le bras droit du Président Xi Jinping a promis d’achever « au plus vite » la « rectification » des plateformes internet grâce à des règles « transparentes et prévisibles ».

En un subtil rappel à l’ordre, le dirigeant a déclaré que les différentes agences doivent consulter au préalable les régulateurs financiers avant de prendre des décisions qui pourraient affecter les marchés financiers. Une manière de signaler à la CAC qu’il est nécessaire de « lever le pied » ?

Quoi qu’il en soit, cette annonce a eu l’effet attendu. Le jour même, les cours sont remontés : au Nasdaq, l’indice Golden Dragon China a repris 33%. Deux jours plus tard à Hong Kong, l’indice Hang Seng dédié aux entreprises chinoises avait retrouvé son niveau d’une semaine plus tôt.

Le fait que les autorités interviennent à une telle vitesse est frappant. Cela suggère que Pékin prend très au sérieux la situation et ne veut en aucun cas voir les choses déraper. Les autorités n’ont rien oublié du mécontentement des petits investisseurs lors du krach boursier de 2015. Cette réaction n’est pas étrangère au maître-mot de l’année « stabilité », inhérent à la tenue du XXème Congrès du Parti à l’automne.

Maintenant, il s’agit de joindre le geste à la parole. Si le gouvernement a déjà repoussé ses projets de réformes (taxe foncière, recul de l’âge de la retraite) et mis en sourdine le concept de « prospérité commune » cher à Xi Jinping, il faudra faire mieux pour véritablement rassurer les investisseurs et se donner toutes les chances d’atteindre son ambitieux objectif de 5,5% de croissance du PIB cette année.

Quelles mesures concrètes attendre ? Les analystes prédisent que la Banque Centrale devrait à nouveau abaisser le taux de réserves obligatoires pour les banques et ses taux d’intérêt d’ici quelques semaines. Mais pour ce qui est de la fin annoncée de la reprise en main des géants de la tech, le doute est permis, étant donné le nombre d’affaires en cours.

Au final, une déclaration rassurante ne suffira pas à dissiper totalement les inquiétudes puisque les raisons fondamentales de ce pessimisme demeurent, à savoir une « stratégie zéro Covid » qui montre ses limites, une position chinoise plus qu’ambiguë face à la crise ukrainienne, et des tensions avec Washington qui persistent.

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