Le conflit qui couvait entre USA et Chine n’aura pas lieu. D. Trump et Xi Jinping doivent se rencontrer les 7-8 avril à Mar-a-Lago, chez Trump en Floride – un dialogue qui s’engage après des mois d’hostilités. Trump avait osé prendre langue avec Tsai Ing-wen Présidente de Taiwan : il était le premier Président-élu à le faire, depuis la rupture formelle des relations avec l’île en 1979. Mais après son intronisation, le ton a vite changé. Trump remisa sa prétention de lâcher le principe d’« une seule Chine », et de taxer de 45% les importations chinoises. De son côté, Pékin a évité les mots qui fâchent et a fait reconnaître au groupe Trump son droit de marque en Chine, victime d’innombrables usurpations.
La hâte à faire des concessions de part et d’autre, laisse deviner l’urgence : il y a trop à perdre. A Mar-a-Lago, le point crucial sera la Corée du Nord – dossier qui nécessitera une forte concertation, pour calmer ensemble l’ombrageuse quasi-puissance nucléaire. Mais Pékin le sait, Washington restera ferme sur son exigence de règles plus équitables d’accès au marché chinois. A Pékin les 17-18 mars, après des étapes nippones et coréennes, R. Tillerson le tout nouveau Secrétaire d’Etat, faisait son baptême du feu avec son homologue Wang Yi et le Conseiller d’Etat Yang Jiechi. Un autre sujet d’inquiétude chinoise sera une apparente indifférence du nouvel exécutif américain, sur le principe-même de la diplomatie : Trump veut couper 29% du budget de fonctionnement de sa chancellerie, et interrompre bon nombre des 100 mécanismes bilatéraux mis en place par Obama, à commencer par les Sommets annuels tenus depuis 2006 sous l’égide du Dialogue Stratégique et économique…
Trump venait de faire à Xi un « cadeau » en tuant l’accord de Partenariat Trans-Pacifique (TPP), qui devait fédérer les économies de 12 pays riverains et 40% du commerce mondial, tout en tenant la Chine à l’écart. Trump se désengageait du TPP – fruit de 9 ans d’efforts sous Obama. Mais les 11 pays restants s’accrochent au TPP. Les 14-15 mars à Viña del Mar (Chili), ils entamaient les palabres pour un accord sans les USA, mais avec la Corée du Sud et la Chine (représentée par un haut diplomate, Yin Hengmin). Ainsi une immense mutation géostratégique se prépare, avec ce recul des USA dans leurs frontières. Méditant de rejoindre le TPP, la Chine va à Viña del Mar, d’abord plaider son propre projet transpacifique de Partenariat Régional Inclusif Economique (RCEP), à 16 pays autour de l’ASEAN. Mais ces deux chantiers ne sont pas de même nature, ni même substituables. Le RCEP se limite à un accord de coupes douanières, et le TPP vise en outre des règles de bonne conduite. Il exige des membres l’ouverture de leurs marchés publics, un règlement des litiges privés-publics, des normes éco-sociales et des aides publiques. Aussi, ses fruits se trouveront moins dans les baisses de taxe, que dans une meilleure compétitivité de leurs usines. Or la Chine peut viser presque tous ces objectifs, dans sa propre réforme des entreprises d’Etat. Entrer au TPP lui permettrait d’asseoir son influence sur ces pays, qui sont prêts à remplacer les USA comme modèle. Ce TPP pourrait également faire tremplin aux Routes de la Soie chinoises (OBOR).
Enfin, la Chine n’a pas le choix, car les pays signataires vont s’astreindre à cette gouvernance. Or, à rester sur la touche, elle serait vite dépassée. D’ailleurs, même les Etats-Unis risquent de retourner dans le TPP – un fort lobby américain se met en place en ce sens… Autour de l’Océan Pacifique, c’est donc le sort de l’économie mondiale qui se joue. A long terme, ces négociations sont condamnées à réussir. La vraie question est de savoir, sous quelles conditions : moindres comme au RCEP, ou plus sévères suivant le TPP actuel. Mais avec son régime fort, la Chine, si elle est convaincue de la qualité du remède, est capable de s’imposer cette amère potion.
1 Commentaire
severy
29 mars 2017 à 17:42Qui va à la chasse perd sa place.