Chaque 15 mars pour la Journée mondiale du consommateur, la CCTV, en son émission « 315 », épingle des firmes pour infractions diverses. Programme très populaire, d’autant que les entreprises fautives sont la plupart étrangères.
Nike (USA) est attrapé en flagrant délit de vente de 300 paires de baskets « Hyperdunk » à 1499¥, en 2016, qui prétendaient indûment disposer de coussins Zoom Air. Nike s’est excusé le soir-même, a retiré ce modèle de son site web, et remboursé les acheteurs. Sans crainte du paradoxe, le groupe de l’Oregon a pourtant aussi contesté avoir trompé ses clients. C’est que Nike a gros à perdre : ayant augmenté ses ventes chinoises de 17% au 4ème trimestre de 2016, il voit en ce pays sa meilleure chance pour atteindre 50 milliards de $ de ventes à travers le monde en 2020 – à condition de sauvegarder sa bonne image !
Muji (du groupe nippon Ryohin Keikaku, célèbre pour ses produits design) se vit reprocher de vendre des boissons et des snacks fabriqués non loin de Fukushima, d’avoir recouvert l’étiquette d’origine par un sticker flou. CCTV le précisait, 13.000 détaillants dont Muji et Calbee revendaient des produits de la même région, interdits en Chine, mais importés quand même, débarqués en zones franches puis revendus sur internet. Quoique ces snacks de Muji et Calbee, ne soient pas signalés comme radioactifs, les révélations ont coûté cher aux groupes : dans les heures suivantes, 265 millions de $ furent perdus en valeur boursière—les porteurs ayant revendu leurs parts.
Comme dans les précédentes émissions, les experts ont réitéré leur critique aux firmes mises en cause : une part de la responsabilité revient à leurs services marketing, pour avoir sous-estimé la capacité des média et des associations de consommateurs, à détecter leurs négligences face à la loi.
Pour « 315 », cibler des entreprises étrangères peut paraître inéquitable : leurs produits et leur réputation sont souvent meilleurs que ceux des firmes locales. Mais leur sélection ne relève pas forcément d’un esprit anti-étranger. Elle peut aussi refléter la position forte de ces multinationales en Chine, ainsi que leur vulnérabilité face à l’opinion. Une fois mises sur la sellette, ces entreprises estimeront de bonne politique de faire preuve d’humilité en pliant l’échine. Le cas le plus marquant fut celui d’Apple en 2013, où Tim Cook en personne dut faire des excuses publiques. En comparaison, « le 315 de cette année fut bien fade – pourquoi continuer à diffuser cette émission ? », commentait, lassé, un internaute.
Sommaire N° 11 (2017)