Politique : ANP – Dernières nominations, premières actions

En fin de la session de l’ANP, les 17-18 mars, une fois votés à l’unanimité (ou quasi) les amendements à la Constitution et la reconduction des mandats des hauts personnages de l’Etat, les 2980 élus eurent droit à se faire un peu plus critiques sur quelques nominations —celles des cadres de la lutte anticorruption militaire, aux résultats jugés insuffisants.

Le lieutenant général Yang Chengxi récolta 400 « non » ; son collègue Chai Shaoliang, 749, et Liu Jixing, juge militaire, 569. Wang Changhe, « monsieur discipline » à la police armée, reçut 567 votes « contre », pour n’avoir pas tenu sa promesse de 2016 de « donner un coup dans la fourmilière ». Ce désaveu aux officiers de l’APL pouvait également exprimer le rêve de l’ANP de réduire en son sein le nombre d’édiles en kaki (269 sièges).

D’autres critiques fusèrent contre les édiles et cadres mouillés dans des scandales, tel Lu Peijun, ex-patron des douanes qui essuya 500 « non », en souvenir de son rôle dans l’incendie au port de Tianjin qui avait coûté 165 vies en 2016. Liu Zhenkui, ex-vice-président du parlement du Liaoning, et Xie Yong, son homologue au Hunan, écopèrent de 793 et 800 « non », suite aux fraudes électorales dévoilées dans leurs provinces.

Temps fort des votes, Wang Qishan, le fidèle lieutenant de Xi Jinping qui avait dirigé jusqu’au Congrès de novembre la police interne du Parti (CCID), fait son retour, cette fois comme vice-Président,  ovationné par les édiles. Très introduit aux Etats-Unis, Wang reprendrait du service afin de tenter de désamorcer la guerre commerciale avec les USA de Trump.

Autre nomination importante : alors que Guo Shuqing (ex-CBRC) ou Liu Shiyu (CSRC) étaient pressentis, c’est finalement Yi Gang qui devient Gouverneur de la Banque Centrale, en place de Zhou Xiaochuan son ex-supérieur qui occupait le siège depuis 2002. Financier de classe mondiale, Yi a fait en 1980 l’Université de Pékin,  celle de Hamline (Minnesota), puis son doctorat à Chicago (Illinois University) avant d’enseigner à l’Université d’Indianapolis. Sa nomination est l’indice d’une volonté du pouvoir de renforcer le rôle du Yuan dans la finance mondiale. Quant à Guo Shuqing, il n’y perd rien, héritant du poste de n°1 à la CBIRC, la tutelle conjointe (fusionnée) des banques et des assurances.

Surprise pour Yang Xiaodu qui est nommé à la tête de la nouvelle Commission Nationale de la Supervision. On attendait plutôt Zhao Leji, son supérieur hiérarchique, membre du Comité Permanent, tandis que Yang ne siège qu’au Bureau Politique, un niveau en-dessous.

Parmi d’autres promotions validées le 19 mars, figurent celles au rang de conseillers d’Etat du Général Wei Fenghe, nouveau ministre de la Défense, et de Wang Yi, (qui demeure) ministre des Affaires étrangères. Le général Zhang Shengmin devient un des sept membres de la Commission Militaire Centrale (en charge de l’anti-corruption), en-dessous du Président Xi et de ses deux vice-Présidents Xu Qiliang et Zhang Youxia.

Le record de longévité ministérielle revient à Han Changfu, à l’Agriculture depuis 2009. Autre « vieux briscard » ministre depuis 2010, Miao Wei, l’ancien patron de Dongfeng aux années 2000, conserve le maroquin de l’Industrie et des Technologies de l’information. Li Xiaopeng, fils de l’ex-Premier ministre Li Peng garde aussi son ministère, celui des Transports.

Fu Zhenghua, ex-vice-ministre de la Sécurité publique se retrouve à la Justice –autrefois chef de la police de Pékin, il avait été promu après avoir mené l’enquête sur son ex-patron Zhou Yongkang. Wang Yupu ex-dirigeant de Sinopec, passe au nouveau ministère des Anciens Combattants. Lu Hao, jeune et compétent (51 ans) tiendra les rênes du nouveau Ministère des Ressources Naturelles. Ma Xiaowei prend la place de Mme Li Bin (ex-ministre de la Santé et du Planning Familial), à la tête de la nouvelle Commission Nationale de la Santé.

Enfin, fait politiquement instructif, les quatre plus influents « groupes directeurs » (Eco/Fin, Cyber-sécurité, Réformes et Affaires étrangères) sont élevées au statut de « commissions ». Ils avaient été créés par Xi à son arrivée aux affaires, pour contourner d’autres groupes directeurs du Comité Central. Leur élévation poursuit un travail de concentration de pouvoirs autour de Xi, et de sape de la sphère traditionnelle de pouvoir du Comité Central.

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Une fois les élus rentrés dans leurs circonscriptions, les programmes politiques démarrent sur les chapeaux de roues. La première manifestation visible du crédit social est annoncée  pour le 1er mai : quiconque aura « menti sur le terrorisme », jeté dans un avion un gobelet d’eau bouillante sur une hôtesse, ou fumé à bord d’un train, sera passible de 12 mois d’exclusion des avions et TGV. La même sanction frappera l’employeur omettant de s’acquitter de ses charges patronales à la Sécurité sociale, et l’endetté refusant de payer ses dettes. Dès le 15 mars, un autre cas de figure apparaissait dans la presse : 17 jeunes à Jilin ont été interdits pendant deux ans d’avion, d’hôtel, d’emprunt, d’admission à l’université, d’intégrer la fonction publique, et soumis à une amende pour avoir objecté à un mois obligatoire de service militaire.

Un autre programme est annoncé par Li Ganjie le patron d’un ministère de l’Environnement aux pouvoirs juste renforcés : des normes de rejets d’effluents plus sévères, notamment éoliens doivent sortir d’ici l’été, valables d’ici 2020. Li espère ainsi solidifier l’embellie de la qualité de l’air des villes, qui pour l’instant dépend encore beaucoup de la présence des vents. En 2017, selon Greenpeace, les microparticules de 2,5µ n’ont reculé que de 4,5%, le plus bas taux en 5 ans… C’est peut-être l’indice qu’en matière de lutte anti-pollution, la « vendange des fruits bas » est terminée. Pour aller plus loin et « attraper les fruits des branches hautes », il faudra désormais plus d’efforts.

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