Chinafrique : Quels sont les enjeux du prochain Forum Chine-Afrique ?

Quels sont les enjeux du prochain Forum Chine-Afrique ?

Voilà une annonce qui est presque passée inaperçue : au cours de sa conférence de presse donnée durant les « Deux Assemblées » le 7 mars, le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, a annoncé la tenue du 9ème Forum de la Coopération Chine-Afrique (FOCAC) en automne prochain (septembre probablement) à Pékin. 

Cette annonce succincte révèle que le FOCAC sera probablement un sommet présidentiel en lieu et place d’une réunion ministérielle. Depuis son lancement en 2 000 à Pékin, les réunions du FOCAC alternent entre rassemblements de niveau ministériel et sommets présidentiels, où les chefs d’Etat et de gouvernement sont les principaux participants.

Le choix d’un sommet présidentiel pour cette année peut s’expliquer par l’expansion du groupe BRICS qui inclut depuis janvier deux nouveaux pays africains (l’Egypte et l’Ethiopie, en plus de l’Afrique du Sud, membre depuis 2010) et par la nouvelle approche chinoise – « Small & Beautiful » – de la « Belt and Road Initiative » (BRI).

Lors du prochain FOCAC, le Président chinois tentera de rassurer ses homologues africains sur l’avenir des relations sino-africaines et sur l’intérêt que la Chine continue de porter au continent et ce malgré la réduction des prêts chinois en direction de l’Afrique.

En effet, ces derniers se font aujourd’hui de plus en plus rares, notamment à cause de la dette croissante de plusieurs pays africains et de la crainte de Pékin de ne pas récupérer son argent. D’où la bascule vers une nouvelle approche « Small & Beautiful », de projets plus petits, mieux ciblés et moins risqués.

Cette nouvelle approche n’a toutefois pas empêché l’Afrique d’être l’un des principaux récipiendaires des investissements de la Chine dans les pays de la BRI en 2023, c’est dire l’importance économique que représente le continent pour les entreprises chinoises.

Comme à chaque édition du FOCAC, l’intérêt des pays africains pour ce forum sera évalué au nombre et au statut des participants. Une très grande participation des chefs d’Etat africains serait une victoire diplomatique pour Pékin dans un contexte de rivalité géopolitique croissante avec les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux. Cela lui permettrait de projeter l’image d’une influence chinoise toujours intacte sur le continent. Un aspect crucial alors que la Chine élève de plus en plus la voix pour une réforme du système international, appelant à un monde multipolaire et plus équilibré. L’ Afrique votant généralement en faveur de la Chine dans les instances internationales, elle est donc un allié de poids pour Pékin dans son combat. Ainsi, une grande participation africaine au FOCAC serait un moyen de se rassurer pour la Chine.

Même si, en principe, elle ne devrait pas trop avoir à s’inquiéter de ce côté-là, il est toutefois possible que la récente austérité financière de Pékin à l’égard des pays africains refroidissent les ardeurs de certains dirigeants qui, craignant de ne rien obtenir de substantiel de ce sommet, décident de se faire représenter. 

Qu’il soit présidentiel ou ministériel, le sommet sera l’opportunité de passer en revue les promesses et engagements pris lors du Sommet de Dakar en 2021 et de jeter les bases des engagements futurs de la Chine en Afrique.

Parmi les promesses non tenues, la Chine va devoir assumer le fait qu’elle n’a pas été en mesure de porter ses importations en provenance d’Afrique à 300 milliards de $ en 2024. En effet, les mesures d’exonérations accordées en faveur d’une dizaine de pays africains pauvres n’auront rien changé de la nature déséquilibrée du commerce entre la Chine et l’Afrique et ces pays-là. En 2023, les exportations chinoises vers l’Afrique s’élevaient à 172 milliards de $ et les importations à 109 milliards de $. 

En outre, force est de constater que la moisson des chefs d’Etat africains en Chine a été bien maigre depuis 2021. Mis à part quelques accords ici et là dans des domaines relativement restreints, la plupart des chefs d’Etats n’ont rien obtenu de substantiel de la part de la Chine. Même un pays comme la République Démocratique du Congo (RDC), premier producteur mondial de cobalt et autres minerais stratégiques, a dû se contenter de quelques protocoles d’accord.

Ainsi, l’enjeu du prochain FOCAC, du côté africain, sera d’obtenir des engagements tangibles de la part de la Chine et des solutions concrètes qui éviteront aux pays africains de subir les conséquences du manque de diversification de leurs économies et de leur dépendance croissante envers ce pays.

Une manne financière sera très certainement espérée par plusieurs chefs d’Etat – voire par tous les dirigeants africains présents. Mais pour obtenir ces milliards de dollars, les pays africains devront prouver la solidité et la stabilité de leur situation macroéconomique et fournir des garanties quant à leur capacité à rembourser leurs dettes. Pour le moment, ce sont les pays du Maghreb et l’Afrique du Sud qui tirent le mieux leur épingle du jeu. Le reste de l’Afrique subsaharienne doit encore vaincre les défis structurels qui l’empêchent de se positionner comme un partenaire économique d’une Chine en pleine mutation.

Un autre aspect majeur à prendre en compte est le ralentissement économique que traverse l’Empire du Milieu actuellement. Dans ce contexte, comment l’Afrique compte-t-elle faire valoir son importance auprès de la Chine et obtenir d’elle un accompagnement dans la résolution de ses différents défis ? Là est toute la question. Une chose est sûre : l’époque où la Chine était prête à dépenser sans compter en Afrique semble désormais révolue.

Par Géraud Neema Byamungu

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