Pour la sortie début février du Document n°1 du Conseil d’Etat, dédié à l’agriculture, Han Jun, du groupe directeur du monde rural, dévoila le plan 2018-2022 de « réjuvénation » de la Chine verte.
Par rapport aux plans précédents, celui-ci apporte des ruptures. La première consiste à abandonner le concept d’agriculture unique, applicable à tout le territoire : d’ici 2020, chaque zone homogène sous l’angle climatique et des terroirs devra déterminer ses priorités. Il fixe aussi des étapes à long terme : « réjuvénation rurale » pour 2020, « modernisation » pour 2035, « épanouissement financier » pour 2050.
Ce plan a clairement été conçu pour favoriser un nouveau départ. Il a fallu 10 ans de préparatifs pour renforcer la connaissance théorique du terrain et le savoir-faire des paysans. De 2005 à 2015, 1152 agronomes coordonnés par Zhang Fusuo de l’Université agronomique de Pékin, réalisèrent une étude géante (au budget de 54 millions de $), publiée le 7 mars dans la revue Nature. Sillonnant le pays, ils ont compilé les cas de 13 000 fermes pour créer une cartographie fiable de l’agriculture chinoise. Ils ont aussi formé 65.000 « agents de vulgarisation agricole », qui ont redistribué à 20 millions de paysans une série de techniques dites de « gestion intégrée du système sol-récolte ». Au lieu de d’utiliser de l’engrais toute l’année, la méthode préconise de le faire uniquement sous un climat doux et ensoleillé. Dix ans plus tard, les résultats sont inespérés : dans les millions de micro-exploitations ayant pu modifier leurs méthodes de labour, enfumage et de semis, l’usage d’engrais a baissé de 15%, et les récoltes (le plus souvent de blé, riz ou maïs) ont progressé de 10 à 11%, contre 1% ailleurs dans le pays. C’est un progrès énorme. La Chine consomme 305 kg d’engrais par hectare, quadruple de l’Occident. Or l’excès d’engrais part dans le réseau aquatique, asphyxiant la faune et générant des gaz à effet de serre… De la sorte, cette campagne aura permis sur 10 ans l’économie d’1,2 million de tonnes d’engrais, une baisse de 13% des gaz à effet de serre, et un surcroît de récolte de 35 millions de tonnes.
De quoi encourager à poursuivre la tâche : plus de 90% de la masse paysanne reste à éveiller à l’agriculture nouvelle. Le plan vert quinquennal prévoit aussi des initiatives pour faciliter l’accès à la mécanisation, pour permettre au paysan de vendre sa parcelle s’il le souhaite, tout en faisant en sorte qu’elle conserve sa vocation agricole… On en est loin—mais une dynamique de modernisation est en route et ne s’arrêtera plus.
Sommaire N° 10 (2018)