Issus de tous les horizons de la société – scientifiques, entrepreneurs, sportifs, artistes, acteurs – les délégués de la Conférence Consultative Politique du Peuple chinois (CCPPC) ont encore une fois fait preuve d’inventivité dans leurs propositions soumises au Parlement.
Même si ces suggestions n’ont que peu de chances de se traduire par des politiques concrètes, celles rendues publiques reflètent les priorités du moment du gouvernement, lui permettant de jauger la réaction du public sur divers sujets.
On retrouve donc des thèmes comme la « réunification nationale » avec Taïwan, la réforme de l’âge du départ à la retraite, la protection des données personnelles, le recours aux nouvelles technologies pour revitaliser les campagnes, l’introduction d’un salaire minimum pour les livreurs de repas, l’allongement de la durée du congé paternité, la gratuité des examens médicaux pour les femmes enceintes, l’interdiction d’avoir recours à des mères porteuses, la « masculinité » enseignée à l’école, les violences domestiques, ou encore le fait de sanctionner les personnes abandonnant leur animal de compagnie en leur enlevant des points sur leur note de crédit social…
Parmi ce florilège de propositions, en voici quelques-unes qui ont fait débat sur la toile :
On sait déjà que le Président Xi Jinping n’est pas un grand fan de jeux vidéo, les accusant d’être trop violents et d’abîmer l’acuité visuelle des jeunes. « L’addiction aux jeux vidéo peut avoir une mauvaise influence sur des adolescents qui ne sont pas assez matures psychologiquement », aurait déclaré le leader durant le Parlement.
Ces remarques font écho à différentes propositions parlementaires, comme celle de mettre en place la reconnaissance faciale pour s’assurer que les joueurs sont majeurs – une fonction déjà mise en place sur certains jeux des géants Tencent et NetEase.
D’autres édiles militent pour interdire aux célébrités de faire la promotion des jeux en ligne ou de limiter le nombre de publicités sur les smartphones. Premier marché au monde pour les jeux vidéo, avec 665 millions de joueurs dans le pays, la Chine est aussi pionnière en matière de règlementation contre l’addiction aux jeux vidéo. Plusieurs lois ont déjà été adoptées, visant à restreindre le nombre d’heures de jeu en s’enregistrant sous sa véritable identité ou à limiter la somme d’argent dépensée en ligne. Des restrictions facilement contournées en empruntant l’identité d’un parent ou en utilisant un VPN…
Inquiet du mauvais exemple que certaines vedettes donnent aux jeunes, Zhu Lieyu, avocat du Guangdong, suggère de bannir de l’industrie du divertissement, celles accusées de se droguer. Une proposition qui a été vue plus de 600 millions de fois sur Weibo. « Les personnalités publiques qui ont eu recours à une mère porteuse [comme l’actrice Zheng Shuang], ont été déclarées coupables de fraude fiscale [comme Fan Bingbing], d’infidélités, et de violences domestiques, devraient être mises sur liste noire », propose un utilisateur. « Toute activité illégale et tout comportement contraire à l’éthique sont certes intolérables de la part d’un artiste, mais cela ne veut pas pour autant dire que les autorités doivent prendre le contrôle de toute l’industrie. Les stars ne doivent pas devenir des outils politiques », avertit un autre. Pas par hasard, l’Association des arts du spectacle, affiliée au ministère de la Culture, a publié le mois dernier une directive exigeant des artistes « d’aimer leur pays, de soutenir le Parti, et de participer à des activités de bienfaisance » – une première depuis 1988.
S’appuyant sur les appels du Président Xi à stimuler l’innovation technologique dans le domaine militaire, Mo Changying, déléguée du Guangxi, a suggéré que les programmes télévisés soient « moins divertissants » et « plus scientifiques ». « Ce sont les chercheurs qui devraient capter l’attention du public, pas les stars de l’internet », a commenté l’édile. Une proposition qui a divisé les internautes. « Je suis d’accord ! Si la Chine veut espérer réduire sa dépendance technologique vis-à-vis des États-Unis, davantage de talents dans ce domaine seront nécessaires. Nos médias devraient produire des programmes qui facilitent la compréhension scientifique et technologique pour que nos jeunes y trouvent la motivation d’étudier », écrit l’un d’entre eux. « Je ne trouve pas nécessaire pour chacun des 1,4 milliard d’habitants de s’intéresser à ces sujets. La société a besoin de diversité », répond un autre.
Une autre déclaration du Président Xi a retenu l’attention : « aujourd’hui, les Chinois, particulièrement les jeunes, sont sur un même pied d’égalité avec le reste du monde, à la différence de ceux appartenant aux générations précédentes qui se sont sentis inférieurs et démodés, comparés aux étrangers. Cette estime personnelle retrouvée est même perceptible chez les jeunes Chinois n’ayant jamais voyagé hors du pays », s’est réjoui le leader, qui en a profité pour vanter une proposition parlementaire voulant renforcer « l’éducation politique » des jeunes. Des propos qui n’ont pas tardé à être raillés par les internautes…
Sur une thématique voisine, celle de la « fierté culturelle », le délégué Cheng Xinxiang a proposé de dédier une journée au « hànfú » (汉服), costume traditionnel de l’ethnie Han, qui fait fureur ces dernières années sous l’influence des séries TV historiques et des blogueurs mode. « Je soutiens totalement cette idée. En tant que groupe ethnique majoritaire en Chine, la culture Han devrait être davantage mise en avant. Il est également temps de défendre cette tenue contre les tentatives d’appropriation des Coréens », écrit un utilisateur de Weibo. « Si l’intention est de promouvoir la culture chinoise, alors il faudrait appeler ce jour ‘la journée du costume chinois’ pour éviter d’offenser les 55 autres minorités ethniques du pays », met en garde un autre.
Toujours au sujet des fêtes nationales, 53 parlementaires ont proposé de changer la date de la « journée des professeurs » (10 septembre) en « journée de Confucius » (28 septembre), le jour de l’anniversaire du célèbre philosophe, également considéré comme le tout premier professeur du pays. Weibo n’a pas tardé à s’emparer du débat, certains utilisateurs croyant déceler une tentative de sauver l’image du sage en Chine, après la fermeture de plusieurs Instituts Confucius à l’étranger, accusés d’être des « outils de propagande » ou soupçonnés d’espionnage.
En matière d’éducation, Xu Jin, membre de la société Jiu San, l’un des huit partis politiques tolérés par le PCC, milite pour réformer le programme scolaire. Le délégué aimerait davantage d’heures de chinois et de mathématiques, mais surtout rendre l’anglais optionnel. « Apprendre la langue de Shakespeare n’est réellement utile que pour une minorité, étant donné les progrès des logiciels de traduction », affirme-t-il. La plupart des internautes ne sont pas d’accord : « l’anglais m’aide à voir et à comprendre le monde au-delà de la grande muraille de l’internet », témoigne l’un d’entre eux. Ce n’est pas la première fois que l’anglais est la cible des parlementaires les plus conservateurs. Toutefois, aucune proposition en ce sens n’a été adoptée, probablement sous l’effet d’une levée de boucliers des internautes.
Une dernière proposition consiste à intégrer, au cursus universitaire, un cours de « romance ». Yu Xinwei, déléguée venue de Canton, s’explique : « la compréhension des jeunes Chinois de leurs émotions et des relations sexuelles reste au niveau physiologique le plus basique (…). Lorsqu’ils font face à des revers amoureux, ils peuvent très mal réagir, devenir incontrôlables, voire commettre des crimes ». L’idée a été applaudie par les internautes, qui ont même suggéré d’instaurer une telle classe dès le secondaire.
1 Commentaire
severy
16 mars 2021 à 22:01Tiens, personne n’a proposé de rendre obligatoire le sourire volontaire et patriotique du citoyen chinois chaque fois qu’il est filmé par les caméras de surveillance? Vite, allons brûler un cierge à sainte- Jiang Qing!