Le premier lundi de 2021, le Parti communiste chinois (PCC) a publié de nouvelles règles internes. Elles s’appliqueront à ses 92 millions de membres, qu’ils officient à plein temps au sein des organes du Parti (seulement 0,7% d’entre eux) ou qu’ils soient fonctionnaires d’État, cadres en entreprise publique ou privée, scientifiques, médecins, militaires, étudiants…
Saluées par la presse officielle comme « stimulant la démocratie au sein du Parti », ces règles viennent dépoussiérer celles adoptées 16 ans plus tôt, en 2004. De manière à les présenter sous un jour positif et non comme toujours plus restrictives, les médias chinois mettent l’accent sur les 13 « droits » des membres du Parti, comme celui de « connaître ses politiques, de bénéficier de formations, de participer aux discussions, d’émettre des suggestions, de superviser les affaires du Parti, de voter, de plaider leur cause, de soumettre leurs requêtes ». Des dispositions qui existaient pourtant déjà dans l’ancienne version.
De même, les « encartés » sont toujours incités à dénoncer leurs supérieurs en cas de mauvaise conduite ou d’incompétence, mais le règlement précise qu’ils ne sont pas autorisés à le faire devant tout le monde, ni sur internet.
Interdiction est également donnée aux membres du PCC d’exprimer « publiquement » leur désaccord avec la ligne « centrale » du Parti. Pourtant, ils ont la responsabilité de « dire vrai, dire la vérité, dire ce qu’ils ont sur le cœur » (讲真话、讲实话、讲心里话). « Pour être honnête, c’est ce que Ren Zhiqiang a fait, mais regardez le sort qui lui a été réservé [condamné à 18 ans de prison pour avoir critiqué le Président Xi]», déplore Cai Xia, ancienne professeure à l’École du Parti, elle aussi exclue pour avoir osé critiquer la gouvernance du Premier Secrétaire. Le texte encourage aussi « l’esprit combatif » (斗争精神), un terme qui serait en fait un feu vert pour s’associer aux campagnes officielles de persécution des opinions minoritaires au sein du Parti.
Par ailleurs, en soulignant l’importance de suivre la ligne « centrale » du Parti et en incorporant au texte l’idéologie du Président (« la pensée de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère »), ces règles viennent confirmer un demi-tour à 180 degrés vers une version maoïste du pouvoir, associant la toute-puissance d’un leader contre l’exercice collégial du pouvoir. D’après Cai Xia, aujourd’hui exilée aux États-Unis, « c’est une totale régression. Cela signifie que les 92 millions de membres du PCC doivent tourner autour d’un seul noyau [Xi Jinping]. Dans ces conditions, comment affirmer que le « Parti » en est toujours un ? ».
Au final, ces récents amendements viennent surtout renforcer le rehaussment du mur entre l’intérieur et l’extérieur de l’appareil. Le Parti est déjà considéré comme une « boîte noire » par de nombreux observateurs, ces nouvelles règles risquent de rendre encore plus difficile de distinguer des signes de dissensions internes ou de querelles intestines.
En parallèle, le Front Uni, département chargé d’accroître l’influence du Parti auprès de différents groupes sociaux, a également reçu de nouvelles consignes le 5 janvier. Il devra renforcer ses liens avec une « nouvelle strate sociale », c’est-à-dire les travailleurs indépendants ainsi que les cadres du secteur privé et dans les firmes étrangères. Depuis son arrivée au pouvoir, le Président Xi n’a eu de cesse de faire des missions du Front Uni une priorité, élargissant le département et ses attributions, notamment en matière ethnique et religieuse. Ce nouvel accent mis sur le secteur privé et sur les entreprises étrangères confirme l’ambition de Xi Jinping d’augmenter l’emprise du PCC sur tous les pans de la société. A six mois du centenaire du Parti le 1er juillet 2021, la fameuse phrase de Mao affirmant que « Parti, État, affaires militaires, affaires civiles, éducation – est, ouest, sud, nord, centre – le Parti dirige tout » (党政军民学,东西南北中,党是领导一切的), n’a jamais été autant d’actualité.
Sommaire N° 1 (2021)