La Covid-19 a elle aussi fait son entrée en 2021. De Chengdu (Sichuan) à Dalian (Liaoning) en passant par Pékin, de nouveaux foyers d’infection continuent d’être sporadiquement déclarés à travers la Chine.
À Shijiazhuang, capitale provinciale du Hebei située à 300km de Pékin, la situation est particulièrement inquiétante, avec 212 cas confirmés et 181 cas asymptomatiques au 9 janvier. Ne pouvant compter sur la campagne de vaccination qui vient seulement de débuter, un confinement « à la mode de Wuhan » a été décrété par les autorités, considéré comme le meilleur moyen de contrôler rapidement la situation épidémique. Un second dépistage de ses 11 millions d’habitants a également été ordonné le 11 janvier. Dans le reste de la province du Hebei, certains malades n’auraient pas été diagnostiqués correctement par des dispensaires de campagne. C’est ce qui fait craindre aux autorités une plus large propagation du virus dans les zones rurales. 85% des patients vivent d’ailleurs en campagne. Le Hebei, qui entoure géographiquement Pékin, sera « les douves qui permettront de préserver la sécurité politique de la capitale », promettent les dirigeants provinciaux. Craignant que les cadres soient tentés de minimiser la situation et de cacher des cas, le Premier ministre Li Keqiang a rappelé que la transparence est primordiale. Retenant la leçon de Wuhan l’an dernier, les autorités du Hebei ont préféré repousser le tradionnel rendez-vous politique provincial, qui était initialement prévu le 25 janvier. En effet, l’enjeu est grand : il s’agit de s’assurer que les vacances à l’occasion du Nouvel An chinois (12 février) ne soient pas à nouveau gâchées par la Covid-19.
En effet, les 407 millions de voyages ferroviaires anticipés sur la période du 28 janvier au 8 mars donnent des sueurs froides aux autorités. Plusieurs provinces et municipalités (Pékin, Shanghai, Guangdong, Zhejiang, Anhui…) ont déjà déconseillé à leurs habitants de rentrer dans leur région natale pour les fêtes, ou « uniquement lorsque c’est absolument nécessaire ». Si une partie de la population se dit prête à coopérer, la consigne passe mal auprès des travailleurs migrants et des étudiants qui redoutent de se voir une seconde fois privés de retrouvailles avec leur famille. « Peu importe la situation, cette année, je rentrerai voir mes proches », écrivait un internaute. La polémique autour des Chinois de la diaspora fait également son grand retour : « Ne sacrifiez pas les intérêts d’une majorité pour ceux d’une minorité. Il est plus important pour 1,4 milliard de Chinois d’être réunis avec leurs familles plutôt que de permettre à une petite classe de privilégiés vivant à l’étranger de revenir ». Les nouveaux foyers d’infection étant systématiquement imputés à une origine « étrangère » (russe dans le cas du Hebei), certains internautes suggèrent au gouvernement de suspendre temporairement tous les vols internationaux, comme en mars 2020, voire d’interrompre l’importation de produits étrangers. D’autres dénoncent la « gouvernance paresseuse » et le manque de flexibilité des autorités : « les cadres espèrent prévenir la transmission du virus en jugulant les flux de population. Ils ont traité de la même manière le problème de la pollution de l’air, en fermant les usines »…
C’est cette résurgence du virus dans plusieurs régions chinoises qui a été avancée pour en partie justifier le fait que les 10 experts envoyés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) enquêter sur les origines du virus n’aient toujours pas obtenu leur visa pour entrer sur le territoire chinois. Les scientifiques devaient arriver début janvier 2021 pour une mission de six semaines, dont deux en quarantaine à l’arrivée.
« Nos meilleurs experts sont actuellement mobilisés par de multiples petits foyers d’infection, expliquait la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Hua Chunying, je n’accorderais pas trop d’importance à ce contretemps ». Elle ajoutait néanmoins : « si vous voulez vous inviter chez quelqu’un, vous devez préalablement prendre rendez-vous, non » ? L’OMS négocie pourtant cette mission avec le gouvernement chinois depuis plus de six mois. Pékin sait pertinemment que cette enquête est attendue par le monde entier, mais ne cesse de retarder son échéance… La Chine aurait-elle besoin de plus temps pour achever ses préparatifs ? Certains signes laissent en tout cas entrevoir que Pékin prépare activement l’arrivée de ces experts étrangers – finalement annoncée pour le 14 janvier – comme cette étude du Centre national de prévention des maladies (CDC) publiée fin décembre. En analysant le taux d’anticorps détecté au sein de la population à Wuhan (4,43%), le CDC évalue à un demi-million le nombre de personnes contaminées. C’est dix fois plus que le nombre de cas officiellement confirmés (50 340 malades). C’est également l’estimation qui avait été avancée par le magazine Caixin dès mai 2020. Ces chiffres étaient donc très probablement connus du gouvernement des mois plus tôt. Toutefois, le fait qu’ils soient dévoilés aujourd’hui démontre que Pékin est bien conscient que ce blocage ne sert en rien son image et que quelques concessions de transparence quant aux circonstances de l’émergence du foyer initial de la pandémie seront nécessaires pour satisfaire l’opinion internationale.
Sommaire N° 1 (2021)