Editorial : En 2020, au tour de l’Europe

Accaparée par son conflit frontal avec les Etats-Unis, la Chine réalise qu’elle a négligé le partenaire européen. Cela tombe bien, son agenda de 2020 fait la part belle au « Vieux continent ». Début avril aura lieu le 22ème Sommet Chine-Europe à Pékin entre le Premier ministre Li Keqiang et la nouvelle Commission européenne dirigée pa Ursula Von der Leyen (cf photo), suivi en septembre par une visite du Président Xi Jinping à Leipzig (Allemagne). Alors que l’alliance transatlantique entre Europe et USA n’a jamais été aussi fragile, le ministre des Affaires étrangères Wang Yi affirmait que les relations sino-européennes étaient à un « nouveau point de départ historique », un langage nouveau. Ce n’est pas non plus par hasard si, pour la première fois, un envoyé spécial aux Affaires européennes (Wu Hongbo) a été nommé, en plus de l’actuel ambassadeur.

A Bruxelles, la nouvelle Commission devrait s’inscrire dans la continuité de la précédente en poursuivant une stratégie d’engagement avec la Chine, tout en réévaluant les profonds déséquilibres de la relation. Pour ce faire, l’UE met au point un arsenal de mesures défensives, faute de mieux. 

Déjà en avril 2019, un mécanisme de filtrage des investissements étrangers avait été validé, donnant pouvoir à la Commission européenne d’examiner les projets d’investissements chinois dans les domaines technologiques sensibles et les infrastructures. Il sera mis en place fin 2020. Beaucoup moins strict que ses équivalents américains ou japonais, il ne concerne pas la recherche, ni les échanges universitaires qui mènent pourtant à des transferts de technologiques intangibles. La Commission ne pourra pas non plus opposer son veto à une transaction, ce pouvoir restant aux mains de l’Etat concerné. Mais c’est un progrès notable, puisque les acquisitions chinoises seront dorénavant scrutées avec grande attention, et l’avis de la Commission influencera sans aucun doute la décision finale.

L’Union s’apprête à traiter de la même manière la question de ses infrastructures 5G et de la participation du géant chinois des télécommunications Huawei, soupçonné d’espionnage par les USA. Avant fin 2020, l’UE dévoilera une série de mesures techniques (certifications, audits, lutte contre le sabotage et les intrusions) qui pourront servir de modèle aux états membres pour créer ou amender leur législation en la matière. Cependant, chaque état restera souverain, ces mesures faisant office de simples recommandations. Il n’y aura donc pas de réponse unique européenne sur le sujet, et la Chine compte bien en tirer profit. La 5G est un enjeu majeur pour Pékin qui faisait récemment planer des sanctions économiques sur Berlin si Huawei était mis hors course. A Paris, on hésite toujours sur la stratégie à adopter…

On vient de le voir, l’UE n’a pas le pouvoir exécutif d’un état souverain. Dans ces conditions, comment faire face à une puissance montante autoritaire, habituée aux jeux de pouvoir et coups de poker, très influente en tête-à-tête bilatéral ? Car la Chine n’est pas dupe de l’apparente unité européenne et elle ne fait que jouer avec les cartes que l’Europe lui donne. Elle sait qu’elle peut continuer de profiter de ses divisions internes sans craindre de retour de bâton. Ainsi, elle entretient de bonnes relations avec les grandes puissances comme la France et l’Allemagne, tout en courtisant les petites nations périphériques, notamment grâce à son sommet annuel « 17 + 1 ». La 9ème édition aura d’ailleurs lieu en avril 2020 à Pékin et sera présidée pour la première fois par Xi Jinping en personne, et non son Premier ministre comme les années précédentes. Ce changement exprime bien l’importance stratégique que représente ce groupe pour la Chine –  d’autant que ses relations avec les Etats-Unis, première puissance mondiale, se dégradent. Ainsi, même si un rapprochement avec l’Europe se profile, la Chine tarde à faire des concessions, notamment à propos du traité sur les investissements en discussion depuis sept ans. Les Européens ont été clairs : pas question d’un accord de façade, vide de substance. Mais maintenant que Huawei est dans le collimateur, Pékin est contraint de véritablement négocier. Maintes fois repoussé, les plus optimistes espèrent que le traité sera signé lors de la visite de Xi Jinping en Allemagne à l’automne. Pourtant, la véritable solution pour l’Europe ne dépendra pas du bon vouloir de la Chine, mais du sien : faudra-t-il attendre que l’ensemble des Etats européens aient trop perdu au profit de la Chine avant qu’ils ne remettent à Bruxelles une partie de leurs pouvoirs souverains et ainsi lui donner les armes pour les défendre ? Faute de quoi, l’UE devra se résigner à ne plus compter que sur son faible arsenal défensif pour espérer illusoirement se sauver du rouleau compresseur chinois.

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1 Commentaire
  1. Nushi

    Il y a bien longtemps les français ont traduit le nom de la capitale Beijing par Pékin..au point où même les Chinois l’utilisent..je crois qu’il serait pertinent et respectueux de nommer Beijing par son vrai nom Beijing

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