Du 16 au 22 décembre, une sévère vague de pollution ravagea la Chine du Nord, avec un pic dense (à plus de 500 particules fines par m3), déclenchant à Pékin la première alerte rouge de 2016 (+200 microparticules pendant 4 jours ou +300 pendant 3 jours), entrainant la fermeture des écoles et la circulation alternée.
Le nuage de smog revint dès le 28 décembre et depuis, sauf accalmie le 2 janvier, n’a plus quitté le pays, séquestrant 750.000km² du Shandong au Shanxi, étouffant un tiers des villes chinoises dans une cloche de poussière, et imposant le 3 janvier la première alerte rouge nationale… de 2017 !
Les conséquences sont sérieuses. Les vols sont annulés par milliers, les autoroutes fermées – faute de visibilité à 50m. Pour atténuer les émissions, d’innombrables usines ont été fermées. Les hôpitaux sont pleins d’asthmatiques dont les plus faibles décèdent – les études portent le bilan national à 5000/jour, 1,6 million/an. Pour l’AIE (Agence Internationale de l’Energie), le smog réduit en moyenne la durée de vie de 25 mois. Six chercheurs de l’Université de Nankin concluent qu’il cause un décès sur trois dans le pays.
D’ordinaire d’un calme passif, la population se fâche, pour ses enfants : déjà 4% des jeunes patrons de startups préparent leur délocalisation vers des villes sans pollution.
Soucieux d’éviter l’accusation de laxisme, l’Etat redouble d’activité. Dès 2015 des milliers de fonderies, cimenteries et centrales thermiques étaient visitées inopinément par les agents de la NDRC et de l’Environnement. Sur le papier, le bilan semblait rassurant, avec 99% des centra-les équipées contre les rejets de soufre et 92% contre ceux de monoxyde d’azote. Mais en pratique, nombre d’entre elles débranchaient les filtres et optimisaient les profits de deux manières : en empochant la prime de production propre, et en gardant le rendement maximal ! Pour cette fraude, la NDRC imposa à 605 centrales 47 millions de $ d’amende, notamment à celles des groupes Shen-hua (le n°1 national du charbon) et Guodian. Le ministère dénonce aussi des centaines de PME entre Henan et Shandong, qui gardent leurs chaînes de production en infraction aux consignes…
Autre initiative, le Shanxi, promet de réduire de 20% ses émissions de soufre, d’azote et de µ2,5 d’ici 2020, moyennant diverses mesures strictes tel ce moratoire aux unités nouvelles de béton, verre, ciment ou à charbon. C’est un tournant pour cette province dite la « mine du pays », notoirement des plus corrompues jusqu’en 2016, mais dont l’appareil politique (exécu-tif et parlement) a été décapité par une campagne anti-corruption à la main spécialement lourde.
Une autre initiative est ce satellite Tansat lancé le 22 décembre, d’un poids de 700kg sur orbite à 700km. Tous les 16 jours, il mesure en tout point de la Terre, les variations d’émission avec une précision de 1%. Mais l’opération, pour l’instant, reste peu utile contre les industriels indélicats. Elle sert surtout à élaborer la politique écologique et vérifier les déclarations des Etats…
L’outil environnemental le plus sérieux pour juguler l’hydre de la pollution, est cette loi votée en décembre à l’ANP, imposant de nouvelles taxes au nom du principe « pollueur-payeur ». La date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2018 est une concession au monde industriel, pour lui permettre de se mettre en conformité. Elle rapportera selon ses auteurs 50 milliards de $, contre 2,5 milliards l’année passée. Surtout, le produit de la taxe reviendra aux pouvoirs locaux, ce qui leur fournira pour la première fois dans l’histoire du régime, une motivation concrète à frapper les pollueurs. Jusqu’alors, le produit des amendes « vertes » revenait aux bureaux de l’Environnement et non aux mairies, qui préféraient dès lors privilégier la pollution au nom de la défense de l’emploi – et des taxes industrielles locales…
L’effort politique des dernières années pour enrayer la pollution se lit dans l’évolution de la consommation d’énergie primaire à travers la Chine, présentée récemment par Nur Bekri, Président de la NEA, Agence nationale de l’Energie. De 2005 à 2012, la demande en énergie a cru de 6,4% contre 2,3% de 2012 à 2016.
Cette évolution peut se lire de deux manières, positive et négative. Au plan positif, la demande a baissé durant le dernier Plan quinquennal, de près d’1% par an. Mais au négatif, elle reste en augmentation brute, brûlant par an l’équivalent de 4,36 milliards de tonnes de charbon et +1,4% au lieu des 0,9% qui étaient attendus. La production houillère atteindra 3,9 milliards en 2020—elle faisait 3,75 milliards de tonnes en 2015. C’est un indice d’une tendance au gaspillage, qui ne s’améliore pas. Cette industrie produit sous une demande énergétique décuple de celle d’économies matures telles celles d’Europe et d’Amérique…
Pour améliorer l’efficacité énergétique et faire reculer la part du « mauvais » charbon, le 13ème Plan (2016-2020) prétend fermer 800 millions de tonnes par an de mines petites et/ou de charbon médiocre, tout en développant des gisements de haute qualité pour 500 millions de tonnes par an, pour ne garder que 6000 mines à échéance.
De plus, d’ici 2020, l’Etat veut créer 13 millions d’emplois dans les renouvelables (éolien, hydro, solaire et nucléaire), moyennant 72 milliards de $ d’investissement annuel, dont 29 milliards pour le solaire (200 grandes fermes solaires par an), 20 milliards/an pour l’éolien, 14 milliards pour l’hydro, le reste se partageant entre le géothermique et l’énergie marémotrice. De la sorte, en 2020, la moitié des centrales nouvelles seront en renouvelables—le reste demeurant fidèle à la filière des charbons et hydrocarbures.
Mais il ne s’agit là que de vertueuses promesses, coulées dans le même moule que celles de l’an passé qui n’ont pas été tenues…
Sommaire N° 1 (2017)