Affaire bien mystérieuse que celle de Lee Bo, 65 ans, un libraire de Causeway Bay, disparu le 30 décembre. Immédiatement, ses proches et clients soupçonnaient un kidnapping. Car sa librairie et maison d’édition s’était fait une spécialité d’ouvrages d’un genre spécial…
—entre licencieux et scandaleux, notamment sur la vie privée des dirigeants chinois.
Quatre jours après, Lee se manifestait par fax depuis Shenzhen : passé de l’autre côté de la frontière « par ses propres moyens », il « coopérait avec les autorités ». Mais l’histoire comportait plusieurs invraisemblances, à commencer par la langue du message, en mandarin, quoique Lee Bo s’exprime en cantonais, et le fait qu’il n’avait pas ses papiers sur lui, selon son épouse. De plus, il avait récemment réaffirmé ne jamais vouloir mettre les pieds sur le continent, « pour sa sécurité ».
Avant Bo, quatre collaborateurs ont disparu depuis octobre—trois en Chine, un en Thaïlande — sans que les disparitions ne déclenchent sur le « rocher » inquiétudes ou protestations.
En plus de sa citoyenneté hongkongaise, Lee Bo détenait un passeport britannique. Mais Londres fait profil bas, se bornant après 6 jours à déclarer son « profond souci », rappelant à Pékin sa promesse de « respecter la liberté de presse » dans l’ex-colonie de la Couronne, et suggérant qu’un kidnapping politique sur sol hongkongais serait un accroc grave au principe d’« un pays, deux systèmes ». Il faut dire que D. Cameron, le Premier ministre britannique, compte sur de forts investissements chinois (en urbanisme, transports, énergie…) sur son sol, et ne désire pas compromettre la relation.
Pékin se tait encore, sur le fond, mais émet nombre de « petites phrases », comme pour préparer l’opinion. Ainsi le 6 janvier, Wang Yi, ministre des Affaires Etrangères, estime qu’avant d’être britannique, Lee est Chinois, et donc redevable de ses actes devant la justice de son pays.
Lee Bo a-t-il été kidnappé ou bien exfiltré « de plein gré » sous pression d’agents venus le convaincre ? L’avenir le dira, tout comme le sort que Pékin lui réserve… En attendant, l’effet est clair, et peut donner une indication sur l’objectif : sans attendre, d’autres libraires tel le groupe « Page One », retirent des rayons leurs ouvrages risquant de déplaire à la Chine.
Dans le même registre, C.Y. Leung le Chief Executive, retirer de facto à l’Université de Hong Kong son droit autonome, historique, d’élire son Président : le 31 décembre, le professeur Arthur Li, pro-Pékin, était nommé, malgré 98% de votes défavorables et la préférence quasi-unanime à Johannes Chan, candidat plus libéral.
Ces deux péripéties simultanées, témoignent chacune d’un recul des libertés insulaires. Comme si chaque année désormais, les droits hérités du Royaume-Uni, devaient être limés, pour arriver en 2047, à l’issue des 50 ans du Traité, à une Hong Kong, ville chinoise « comme les autres ».
Sommaire N° 1 (2016)