Economie : Finance 2016 – cahots et ornières

Le 4 janvier, la bourse de Shanghai rouvrit—mais pas pour longtemps ! En 5 heures, sous l’effet de ventes massives, l’indice CSI 300 perdait 7%, forçant une fermeture prématurée. C’était la première application d’un nouveau « coupe-circuit » automatique, destiné à prévenir la répétition de l’effondrement boursier de l’été dernier. 

Exprimant la morosité du public, ce faux départ (d’emblée ressenti entre Tokyo, Paris, New York et Francfort), avait pour source les faibles indices conjoncturels de décembre. L’indice PMI des directeurs d’achat dans les usines poursuivait sa chute depuis 10 mois, à 48,2 (toute valeur en dessous de 50 traduit une régression). À 218 000 barils par jour, l’importation de pétrole était au plus bas depuis 22 mois. Et surtout, la tutelle CSRC s’apprêtait à lever le 8 janvier le ban sur les ventes des gros porteurs (en possession de plus de 5% du stock de toute compagnie). A cette perspective, synonyme de chute des cours, tous ceux qui le pouvaient, vendaient ! 

Un seul secteur affichait une progression : celui des services –car la Chine, même en panne, demande toujours plus de santé, d’éducation ou de crédit. Ce qui éclaire la nature de cette « crise », celle d’un changement de modèle de croissance, de celle financée par la planche à billets, vers celle nourrie par la consommation. 
Face au crash, la réaction du Conseil d’Etat fut immédiate—dans l’espoir de couper court. Le ban sur les ventes des gros porteurs fut prorogé de 6 mois, et l’« équipe nationale » des investisseurs publics (banques, assurances…) se mit à acheter pour soutenir les cours, à l’aide de 130 milliards de yuans d’argent frais de la Banque Centrale. 

Ainsi, Pékin se déjugeait par rapport aux objectifs tracés en décembre par le Sommet Economique, sous la direction du Président Xi Jinping, lequel concluait que « le stimulus n’était pas la solution d’avenir ». Or, les actions pour enrayer le crash vont dans le sens inverse.
Faut-il s’en étonner ? Trois jours après, la contre-attaque avait fait long feu : le 7 janvier, ayant reperdu 7%, la bourse fermait derechef. Cette fois, la tutelle boursière annulait purement et simplement son « coupe-circuit », reconnaissant qu’il n’avait pas démontré son efficacité en matière de stabilisation des cours. De son côté, la Banque Centrale baissait la parité du yuan de 0,51% sur le dollar —la plus forte dévaluation depuis le 13 août. 

Le nœud de la crise se trouve là ! Face à un RMB trop fort (suite à 15 ans d’exportations massives ayant consacré la Chine comme usine du monde), ses usines sont rattrapées par la hausse des coûts. Les capitaux fuient. Pékin n’a d’autre choix que de dévaluer. La meilleure solution (contre la spéculation) serait une baisse unique et forte face au $. Mais l’entourage de Xi se défie de toute mesure osée. Il craint d’alourdir la dette de ses consortia publics (pétrole, banques…) ayant emprunté hors-frontières.
Aussi d’août à décembre 2015, le yuan vit sa parité au billet vert insensiblement érodée de 4,5%, puis le 4 janvier de 0,42%, et le 7 janvier de 0,51% – comme si l’Etat souhaitait dévaluer, par le seul jeu du marché, quitte à gommer de trop grands dérapages par des interventions ponctuelles, comme le 4 janvier.
Mais les analystes demandent ouvertement combien de temps le pays pourra tenir cette ligne de conduite. Les réserves en devises s’élèvent à 3400 milliards de $, dont 1000 à 1500 disponibles pour freiner la dévaluation (le reste doit servir comme « fonds de roulement » pour payer 3 mois d’import de matières premières). Mais en 2015, la Banque Centrale a déjà décaissé 500 milliards, dont 100 rien qu’en décembre… A ce rythme là, selon les calculs de BAML (Bank of America/Merrill Lynch), ces réserves pourraient avoir fondu en « un à deux ans ». 

Pour prévenir ce scenario, le Sommet Economique veut relancer la croissance par divers moyens, dont ceux classiques de la baisse des taxes et charges, et la poursuite des chantiers d’infrastructure. Un plan ferroviaire est annoncé le 5 janvier entre Liaoning et Mongolie intérieure, (5,3 milliards de $ sur trois projets dont une ligne de 197km), et les « équipements ferroviaires » au 13ème Plan 2016-2020 devraient dépasser les 610 milliards de $, selon l’état-major de la China Railway Corp…

Autre dossier capital pour l’Etat, le « recyclage » de milliers d’entreprises publiques épuisées, qui n’empruntent plus que pour le service de leur dette – qui atteindrait 28 000 milliards de $. Le pouvoir accepte désormais la perspective de mise en faillite de ces groupes dits « zombies », une fois restructurés. Mais comment ? Le mystère reste entier. 

Dernier volet crucial de l’équation de la relance, l’Etat espère faire acheter par les 100 millions de migrants attendus dans les villes d’ici 2020, une partie des 13 millions d’appartements invendus.
Chaudement recommandée par le ministre des Finances Lou Jiwei (qui peut-être espère ainsi forcer la main au pouvoir suprême), une voie pour y parvenir serait la dérégulation du droit du sol rural—la faculté pour le paysan d’hypothéquer ou de vendre sa parcelle, avant de migrer en ville.
Mais cette stratégie semble oublier que ces logements souvent haut-de-gamme (donc inadaptés à un public précaire), ont été bâtis au mauvais lieu, pour un marché imaginaire, à une époque où tout marchait. Cela ressemble fort à un produit invendable, un investissement failli. C’est aussi oublier que le migrant, pauvre, préfère louer en ville, quitte à acheter bien plus tard, « au village natal »… Tout cela pour dire que pour les gestionnaires du pays, le chemin sera long, rocailleux et tout sauf stable.

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