Editorial : Les bons voeux de Xi Jinping

Les bons voeux de Xi Jinping

Comme chaque année depuis 2013, le Président Xi Jinping a présenté ses vœux à la nation lors d’un discours retransmis à la télévision le 31 décembre. Une fois n’est pas coutume, comme pour insister sur le caractère solennel de cette allocution, le bureau présidentiel était dépourvu de tout objet personnel (photo de famille, livre…), uniquement agrémenté d’un drapeau chinois et d’une peinture de la Grande Muraille en arrière-plan.

Arborant l’air énigmatique qu’on lui connaît, le Secrétaire général du Parti s’est montré confiant en l’avenir économique de son pays, soulignant que l’économie chinoise est sur une « trajectoire ascendante » et que son PIB devrait « dépasser les 130 000 milliards de yuans en 2025 ». Jouant sur la fibre patriotique, il a listé – vidéos de propagande à l’appui – les différentes avancées technologiques réalisées par la Chine en 2024, telles que la fabrication de semi-conducteurs avancés (pour les smartphones Huawei) et la production d’avions de ligne (C919), symboles des progrès de la nation sur le chemin de l’autosuffisance. Il a également annoncé que la Chine avait produit pour la première fois plus de 10 millions de véhicules à énergies nouvelles cette année. Un succès vu d’un bien mauvais œil en Europe et dans plusieurs pays émergents.

Sans surprise, Xi Jinping ne s’est pas particulièrement appesanti sur les défis auxquels son pays est confronté, mentionnant seulement les « pressions liées à l’environnement extérieur » (une allusion à peine voilée à la réélection de Donald Trump, qui promet déjà à la Chine de nouveaux tarifs douaniers) et « à la nécessité de passer à de nouveaux moteurs de croissance ».

En effet, Xi a passé sous silence le fait que l’année 2024 a été particulièrement tumultueuse, ayant été marquée par des difficultés à relancer l’économie, par un plongeon des marchés boursier en début d’année, une sévère crise de liquidités au niveau local, un marasme immobilier, un mécontentement social accru, ou encore une nouvelle campagne de purge au sein de l’armée.

Dans un tel contexte, plusieurs tendances de fond seront à suivre de près en 2025.

Au plan économique, des réformes fiscales majeures sont en préparation, dont l’une intégrant des obligations spéciales de 12 000 milliards de yuans sur cinq ans, pour restructurer les dettes des gouvernements locaux et éviter les défauts de paiement. Cependant, il serait nécessaire d’aller plus loin, notamment en réformant le système de transfert des recettes publiques et en augmentant les dépenses sociales au niveau local. Une politique budgétaire plus expansionniste est donc attendue, notamment en réponse aux défis économiques posés par l’administration Trump. Lucide sur les intentions américaines, Pékin cherchera des opportunités de coopération ponctuelle avec les États-Unis, mais devrait selon toute vraisemblance adopter un ton plus ferme sur les questions concernant Taïwan et la mer de Chine du Sud. La Chine pourrait également profiter du désengagement américain pour endosser le rôle de leader dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Au plan politique, tout indique que Xi continuera de dominer le jeu politique. Cependant, la mise en œuvre de son agenda pourrait rencontrer des obstacles croissants en raison des tensions budgétaires que connaissent des gouvernements locaux et de la méfiance des entrepreneurs. Même problématique concernant sa capacité à obtenir des résultats tangibles en matière de réforme ou de relance économique : la campagne anti-corruption qui perdure depuis 12 ans paralyse les cadres et sans véritable politique incitative, il sera très difficile d’inverser la vapeur. Xi a néanmoins déjà montré qu’il était capable de faire preuve d’une certaine flexibilité idéologique lorsque ses intérêts politiques sont menacés (fin de la politique « zéro Covid », adoption tardive d’un plan de relance économique…). L’élaboration du 15ème Plan quinquennal (2026-2030) sera un indicateur-clé de cette évolution.

2025 sera aussi l’année des chaises musicales puisqu’environ 20 % des dirigeants provinciaux actuels seront remplacés dans les 12 prochains mois. Cela devrait permettre de favoriser l’émergence d’une nouvelle génération de leaders nés dans les années 1970 et 1980, à l’image de Liu Jie, expert de l’industrie sidérurgique tout juste nommé gouverneur par intérim du Zhejiang à seulement 54 ans, ou Li Yunze, 52 ans, directeur de l’Administration d’Etat pour la régulation financière (NFRA). Dans cette perspective, qui soulève aussi la question « tabou » de la succession de Xi, il est probable que les rivalités entre différents courants et factions internes au Parti s’intensifieront, alimentant ainsi le climat d’instabilité politique. Autant (pré-)dire que l’année 2025 ne sera pas de tout repos !

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