Chinafrique : Mozambique – Un gazoduc de fin d’ère

En mars à Maputo (Mozambique), un consortium mené par la CNPC annonce l’« African Renaissance Pipeline » (ARP), gazoduc de 2600 km qui devrait relier la baie de Rovuma (Nord du Mozambique, cf photo) et  la province sud-africaine de Gauteng (Sud du pays). Il marque un point contre Gasnodu, projet rival.

Ce chantier vise des réserves mozambicaines estimées à 2,8 milliards de m3. Celles-ci, dans une région désertique, manque de clients. Ce projet soutenu par le gouvernement de Maputo alimenterait le long de la ligne,  usines d’engrais, centrales thermiques, zones industrielles. Mais seule l’Afrique du Sud apparaît solvable, et la faiblesse des cours des hydrocarbures compromet la rentabilité. De fait, le Bureau National (chinois) des Oléoducs a lancé une étude de faisabilité : en cas de succès seulement, ses banques allongeront 70% des crédits.

La CNPC a un intérêt direct : en 2013, elle achetait pour 4,2 milliards, 20% de la « Zone 4 offshore » de Rovuma, du groupe ENI (Italie). A présent, elle doit valoriser cet achat, ne serait-ce que pour prouver à Pékin la pertinence de son investissement. Ébranlé par de nombreuses arrestations pour « corruption », ce groupe d’Etat, ex-fief de Zhou Yongkang doit d’urgence retrouver une réputation de fiabilité !

L’émergence de deux projets pour un même gaz sur un même tracé, trahit des luttes obscures pour le contrôle de l’énergie dans la région. Gasnodu, du consortium Gigajoule, soutenu par l’ex-Président A. Guebuza, avait obtenu le soutien d’Eskom et de EDM, groupes publics d’Afrique du Sud et du Mozambique, et en espérait une commande ferme annuelle de gaz pour 5GW d’électricité. Mais en face, l’ARP est présidée par Olivia Machel, fille de l’actuel Président, et financée, en plus de la CNPC, par un « ponte » du Frelimo, le parti au pouvoir.

Cependant pour les experts, aux cours actuels, une distribution de GNL importé, pourrait être moins chère…

Enfin, la décision chinoise n’est pas gravée dans le marbre : l’ère d’un modèle économique du « troc amical, voire idéologique » d’infrastructures  contre ressources naturelles, touche à sa fin. Dans sa stratégie de liens avec le Tiers monde, Pékin doit commencer à compter ses sous. Faute de crédits, il peut de moins en moins payer 100% des barrages, gazoducs ou voies ferrées, en espérant se rembourser en matières premières dont il s’assurait l’exclusivité à tarifs en dessous des cours. Car les pays concernés, de leur côté, commencent à exiger d’être payés en argent, au cours mondial. Dans ces conditions, le lancement du gazoduc géant, est tout sauf assuré.

 

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