Taiwan : Fin de l’état de grâce

En un mois, trois incidents sont venus altérer les relations sino-taiwanaises, après cinq années d’entente entre le gouvernement nationaliste de Ma Ying-jeou et une Chine qui reste obsédée par l’objectif de réunification.

Le 18 mars, Pékin rétablit ses liens avec la Gambie, mettant un terme à 41 ans de ping pong diplomatique. En 1965, à l’indépendance gambienne, Taipei avait emporté l’ambassade. Elle passait à Pékin en 1971, repassait à Taipei en 1995, puis restait désaffectée en 2013 – la Gambie rompait avec Taipei, espérant obtenir de Pékin un plus gros chèque. Fait remarquable, la Chine avait attendu, par respect pour l’allié du KMT. Les choses changeaient après janvier 2016, quand Ma perdait les élections présidentielles au profit de Mme Tsai Ing-wen, cheffe du DPP (indépendantiste), la prochaine présidente au 20 mai.

Le 12 avril, Taiwan retire sa candidature à la Banque Asiatique d’Investissements en Infrastructures (AIIB, créée en 2015 par la Chine). C’est suite à l’insistance de Pékin de présenter au bureau de l’AIIB sa candidature à sa place, lui déniant ainsi toute voix « indépendante » en affaires internationales. Ici, c’est Ma et le KMT qui protestent et non le parti indépendantiste, et qui dénoncent une « atteinte inacceptable à la dignité nationale ». Dans l’alliance Chine/KMT, une fêlure apparaît.

Les 12-13 avril,  au Kenya, 77 Taïwanais et Chinois sont embarqués de force vers Pékin (cf photo), malgré leur souhait de retourner à Taipei. Ces hommes et femmes venaient d’être jugés à Nairobi pour avoir tenu un centre d’appels pirate et dépouillé des centaines de victimes chinoises en obtenant leurs coordonnées bancaires. Le préjudice atteindrait 15 millions de ¥, sans compter un suicide, par désespoir. Nonobstant leur acquittement au Kenya, Pékin va les rejuger. Taipei lui en reconnaît le droit—mais non l’extradition, qui était contraire à leurs accords. Taiwan est hélas passée maître en ce genre de fraude digitale–un cas avait été dévoilé en 2015, à Manille. Déportés en Chine, les bandits avaient été renvoyés chez eux après 5 mois, pour y purger leur peine…

Sur le fond, ces trois affaires traduisent un état d’esprit nouveau : s’inquiétant de l’imminence d’une nouvelle législature sous mandat DPP, Pékin fait pression sur la future Présidente pour lui faire admettre une nouvelle fois l’existence d’une seule Chine. Entre les deux rivages, l’état de grâce est bel et bien fini.

 

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