Trois étapes séparent le Président Xi Jinping de son second quinquennat : le conclave balnéaire de Beidaihe en août, où 60 édiles dessineront les axes politiques de l’année, le Plenum du Comité Central d’octobre, et 12 mois plus tard, le XIXème Congrès.
De ces débats brûlants au sommet, rien ou presque, ne filtre. La crise économique sans doute, mais aussi les choix de société future, ont réorienté le gouvernail vers la frange la plus conservatrice. Le vote du Brexit au Royaume-Uni, n’a rien arrangé : redoutant d’autres secousses, Pékin semble à présent découragé de toute velléité de réforme industrielle, financière, ou politique. Tentons ici un bilan de ce qui reste des restructurations projetées…
– Concernant la réforme des consortia publics, la feuille de route rédigée dès 2013, a tenu jusqu’en mai 2016. Il s’agissait de donner à ces groupes un management « à l’occidentale », d’encourager les patrons aux bénéfices, d’insuffler le dynamisme prévalant dans le secteur privé – le management devait jouir d’une autonomie décisionnelle. Dès 2014, cinq consortia pouvaient, à titre de test « laboratoire », recruter leurs PDG. Puis en 2016, ces groupes réformés devaient passer à 8, voire 10.
Les banques ne devaient plus prêter que sur le critère de la rentabilité. Le 18 mai, le Conseil d’Etat désignait 345 groupes « zombies » (en faillite chronique, sauvés par des subventions) à fermer dans l’année.
Et puis en juin tout basculait, sur décision de la SASAC, tutelle des consortia publics. Dans chacune de ces 106 maisons, le Comité du Parti (et non le Conseil de Direction ou le PDG) devrait « inspirer… étudier… approuver toute décision majeure » : l’autonomie de management avait vécu !
De même, les 3000 groupes cotés en bourse voyaient en 2016 leurs subventions directes ou non (en argent, énergie, terrains...) augmenter de 56% par rapport à 2013 ! En 2015, selon le Wall Street Journal, ces aides atteignaient 119 milliards de yuans – 18 milliards de $.
– Un autre dossier est en panne, celui des surcapacités, notamment en sidérurgie. Le Conseil d’Etat veut refroidir les hauts-fourneaux pour 100 à 150 millions de tonnes sur 5 ans, brisant ainsi 500.000 emplois de métallos. Pour les recaser, il débloque 100 milliards de yuans, pour tous secteurs et tout le pays. Mais les subventions faussent la donne : en 2015 suite à la mévente, des aciéries avaient dû fermer pour 60 millions de tonnes de capacité. Or selon l’agence Macquarie, toutes ces aides ont permis à la plupart de ces mêmes sidérurgies de rouvrir en 2016, pour 40 millions de tonnes.
– En réforme financière, alors que le G20 Finances se réunit à Chengdu (23-24 juillet), un cri d’alarme retentit : la déréglementation a fait marche arrière par rapport à 2014, l’Etat recommençant insensiblement à intervenir de façon incessante sur la bourse et le crédit, dès que le marché va dans un sens qui le chagrine. Le problème tient à la priorité au soutien aux entreprises déficitaires, à l’emploi et à la stabilité. Il tient aussi aux rivalités entre les quatre autorités financières—les trois tutelles de la banque, de la bourse, de l’assurance et la Banque Centrale responsable de la monnaie. Un plan de refonte de ces organes est à l’étude – mais à ce stade, rien ne filtre.
En réponse au Brexit, la Banque Centrale envisage de laisser dévaluer son yuan de 4,5% d’ici décembre. Cependant la part de la consommation dans le PIB n’est que de 30%, le marché à l’export est quasiment saturé, la dette cumulée privée et industrielle atteint 27.300 milliards de $ soit 1,5 PIB américain, une situation, selon Thorsten Slok de la Deutsche Bank, « plus dangereuse que celle des USA à la veille de la crise des subprimes ».
Face à cela, le remède préconisé par Xi Jinping est la « réforme du marché de l’offre » c’est-à-dire des entreprises – mais elle est bloquée. Li Keqiang, le Premier ministre, continue à évoquer les restructurations du charbon et de l’acier (mais en vain, comme on a vu), l’innovation et le soutien aux start-ups, et une émission monétaire prudente, promettant d’éviter un grand stimulus. Li dépêche aussi de nombreuses équipes de supervision dans les 34 entités régionales, pour vérifier que le crédit bancaire reste accessible au secteur privé, dont l’investissement stagnait à 3,9% de janvier à mai, et reculait face aux 10,1% de 2015.
La Banque Centrale elle, promettait le 3 juillet d’ouvrir aux groupes étrangers l’accès à la cotation en bourse chinoise. Elle offrait aussi aux investisseurs privés chinois l’accès aux marchés étrangers des capitaux. Mais ces promesses sans date, ne vaudront que « le temps venu »…
Tout cela, aujourd’hui, est trop vague et trop peu pour empêcher des experts comme Andy Xie, un des économistes les plus respectés, de craindre l’éclatement « inévitable » d’une bulle nationale de l’ampleur de celle de 1929…
– Sur le champ politique, à la veille du conclave de Beidaihe, on parle beaucoup, dans la presse, de « gouvernance » – d’un juste milieu entre autoritarisme et ralliement des forces sociales. Mais le Bureau Politique, le 28 juin, émettait une directive discrète, sous la direction de Wang Qishan, le patron de l’anti-corruption, sur les « règles de responsabilité internes au Parti ». Wang—en qui certains voient, suite au XIXème Congrès, un successeur de Li Keqiang– décrète que l’obéissance des 88 millions de membres, aujourd’hui « molle et extensible », doit devenir « stricte et immédiate ».
Enfin, les premières promotions du prochain quinquennat apparaissent—qui poursuivent le démantèlement de la sphère d’influence de Jiang Zemin (nomination de Li Qiang, Secrétaire du Parti au Jiangsu, et Qiang Wei, démis de ses fonctions au Jiangxi), tandis que les fils de grandes familles « rouges » résistent (Li Xiaopeng, fils de Li Peng et actuel gouverneur du Shanxi, passe pour le futur secrétaire à la SASAC, un poste d’influence).
Sommaire N° 25-26 (2016)