Le 6 juillet, le ministre des Affaires étrangères Wang Yi prit son téléphone pour appeler son homologue américain John Kerry, le priant de « ne rien faire qui lèse la souveraineté et la sécurité » chinoise en mer de Chine du Sud. Cela sonnait comme une réponse au conseil du département d’Etat le 22 juin à la Chine, de « s’abstenir de toute provocation supplémentaire », dans la perspective du verdict que publiera la Cour d’arbitrage de La Haye le 12 juillet, sur la plainte déposée depuis 2013 par les Philippines.
En mer aussi, la tension monte. Depuis juin, trois destroyers de l’US Navy patrouillent autour des atolls occupés par l’APL, qui répond en tenant ses manœuvres (5-11 juillet), à distance respectueuse 1000 km plus au Nord, entre Hainan et les Paracels. Elles prendront fin juste avant la parution du jugement de La Haye – date choisie pour signifier le mépris chinois vis-à-vis d’un verdict, où l’ancien conseiller d’Etat Dai Bingguo ne voit guère plus qu’un « chiffon de papier ». Pékin ne manque nulle occasion de rappeler que la Cour n’a pas juridiction, et qu’il est temps d’en finir avec cette « farce ».
Voici donc un contentieux qui se durcit entre la Chine et la communauté internationale. La Cour doit statuer si la Chine a, ou non, violé la Convention de l’ONU du droit de la mer en érigeant des structures émergées dans la ZEE (zone économique exclusive) des Philippines, et si la Chine peut toujours invoquer sa « ligne aux neuf pointillés » comme fondement de sa souveraineté sur 90% de la mer de Chine à plus de 2000 km de ses côtes.
À l’approche du verdict du 12 juillet, l’administration de Xi Jinping, fortement soutenue par l’opinion chinoise, a mis son activité diplomatique en mode turbo. Elle a acquis le vague soutien de 87 pays alliés (tels l’Arabie Saoudite ou l’Afghanistan). Wang Yi a rendu visite au Vietnam, l’autre grand perdant potentiel de l’avancée maritime chinoise. La Chine offre aussi des négociations aux Philippines, pourvu que leur nouveau Président Duterte accepte « d’oublier le verdict de La Haye ».
Toutefois les chances de dérapage militaire restent bien réelles, vu la radicalisation des opinions, le réarmement rapide des nations riveraines et le fait qu’une fois le verdict prononcé, la position juridique de la Chine ne sera plus tenable. Aussi, la Chine ne pourra que le rejeter mais ce faisant, elle se mettra en mettra en porte à faux vis-à-vis des nations fonctionnant sous l’Etat de droit : celles-ci ne pourront pas accepter un tel « fait du prince » remettant en cause la liberté de navigation. Il faut noter que la Chine n’a entrepris d’occuper des îlots dans les Spratleys, que suite au dépôt de la plainte de Manille en 2013 : Pékin réalisait dès lors que son argument de la « ligne des neuf pointillés » tomberait à l’eau lors du verdict, et en conséquence elle changeait de stratégie, prenant des garanties et plaçant ses « pions », dans la perspective d’une négociation ultérieure en position de force.
Ce tableau semble bien sombre, mais aujourd’hui, d’autres scénarios moins dramatiques se profilent. Ainsi les Philippines viennent de virer de bord. Le Président Duterte se dit déjà d’accord pour négocier en bilatérale après le verdict. Et sa première priorité n’ira plus à la sauvegarde des eaux territoriales, mais à l’anéantissement de groupes rebelles islamiques tel Abou Sayyaf—un but que Pékin ne peut qu’approuver voire soutenir. Le Président Xi d’ailleurs, lui tend à présent la main, proposant de négocier. On assiste donc à une étrange lune de miel entre ces deux, qui peut s’avérer éphémère, mais aboutir aussi à un accord.
Même tournant avec le Vietnam et même souci à Hanoï de concilier la souveraineté et bon voisinage avec Pékin, sa source la plus plausible d’équipement et de croissance. Hanoï vient d’ailleurs d’autoriser un consulat chinois à Danang…
C’est ainsi qu’au-delà des postures va-t-en-guerre, mûrissent dans l’ombre diverses stratégies de tapis vert. C’est mieux, à tout prendre, qu’une chute généralisée dans le conflit armé.
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1 Commentaire
severy
14 juillet 2016 à 12:48Taratata! Le régime chinois (et accessoirement Taiwan) perd son pari de revendiquer « légalement » de la mer de Chine du sud en s’appuyant sur une carte sans valeur historique. Quid maintenant? Une guerre navale à base de tirs de missiles? Les fabricants d’armes ne vont pas chômer. Les Etats-Unis patrouillent la zone en slalommant entre les récifs de corail et poussent le Japon à changer sa constitution pacifiste afin que l’armée nippone leur prête main forte en cas de confrontation avec l’APL. Décidément, tout bouge dans cette tumul-tueuse année du Singe.