À Hong Kong, Lam Wing-kee (cf photo) est l’un des 5 libraires enlevés en 2015, probablement en rétorsion à la publication de livres licencieux compromettants pour les hauts leaders, dont le Président Xi Jinping. De longs mois plus tard, ils réapparaissaient un à un, affirmant contre toute vraisemblance être passés en Chine « volontairement » pour coopérer avec la justice. Tous, sauf Lam, qui mi-juin, convoquait la presse hongkongaise pour dénoncer une « unité spéciale centrale d’enquête », responsable de son kidnapping et de sa détention 8 mois à Ningbo. Le libraire infirmait la théorie officielle qui innocentait l’Etat chinois d’un accroc au principe d’autonomie garanti à Hong Kong jusqu’en 2047, « un pays, deux systèmes ». Or ce déballage par Lam, passe mal en Chine. Le 6 juillet, la police de Ningbo accusa Lam d’avoir « violé les termes du sursis », et le menaça d’un rapatriement forcé.
En fait, le dialogue avait été entamé plus tôt entre les deux gouvernements, juste après les révélations de Lam, pour tenter d’enrayer la bombe. D’abord présenté comme une « remise à jour de l’instrument de notification », ce dialogue laissait place à d’autres péripéties.
A Hong Kong, Lam s’estimant en danger, demandait la protection publique. En Chine, la TV présentait un reportage des « largesses » octroyées au détenu, ainsi que l’aveu filmé de ses fautes, parmi lesquelles l’encaissement avec ses collègues de 50.000€ de recettes des livres incriminés.
Puis le 6 juillet, une confrontation se tenait à Pékin entre Rimsky Yuen et Lai Tung-kwok, ministres hongkongais de la Justice et de l’Intérieur, et Guo Shengkun, leur collègue à la Sécurité publique. Les deux ministres hongkongais rejetaient alors la demande de Guo de déportation du libraire bavard. « Hong Kong ne dispose pas », déclarait Lai à son retour, « de mécanisme légal permettant l’extradition » vers la Chine.
Ceci ne signifie pas forcément que le gouvernement du « Rocher » souhaite refuser la demande de Pékin. Mais Hong Kong reste géré sous ses lois et l’Etat de droit, avec sa presse « semi-indépendante ». Sous droit local, Lam ne peut être incriminé de quelque faute qu’il soit – la publication de livres n’est pas un délit.
Déporter le libraire pourrait donner envie à d’autres de ses concitoyens de faire leurs valises, et provoquer un désaveu de l’opinion locale vis-à-vis de leur gouvernement. Écartelé entre le respect de son système légal et les requêtes de Pékin, le pouvoir de Hong Kong a dû opter pour la première voie – question de rapport de forces…
Sommaire N° 25-26 (2016)