Art : Liu Xi, une oeuvre incandescente

Liu Xi, une oeuvre incandescente

Son œuvre sculpturale est volcanique et fragile, et situe le dialogue entre genres au cœur de son travail. Souvent porteuse d’un message adressé aux femmes, sa pratique incarne l’épanouissement personnel que la jeune trentenaire a su préférer au poids des traditions, rappelant l’urgence et la nécessité de se dépasser, en faisant de la confiance en soi un cheval de bataille.

A travers des formes organiques d’un pastel crémeux, d’un rose alléchant, d’un vert éclatant, d’un noir de charbon à l’allure grave ou d’un doré lumineux, les sculptures en porcelaine de Liu Xi (柳溪) prennent vie entre puissance et délicatesse. Déclinées en plusieurs séries de formats variables, elles oscillent entre les forces et les faiblesses qui constituent tout être humain.

 

« La fragilité et la solidité sont en chacune et chacun d’entre nous. Peu importe la personne, le genre, le caractère. Ce sont des éléments universels, à travers lesquels les êtres sont connectés » affirme la jeune femme, originaire d’un village du Shandong, au Nord de la Chine.

Pour trouver cet épanouissement personnel et artistique, il a fallu à Liu Xi une volonté et une ténacité persistantes, qu’elle a su transformer en matière première, une source d’inspiration illimitée. « C’est l’art qui m’a vraiment permis de vivre une vie avec du sens, une vie « vivante ». Cela m’a permis de m’exprimer, exprimer les relations entre les personnes, explorer l’intimité.  Je me suis sentie libérée pour la première fois de ma vie. »

Depuis, ses œuvres explorent ses considérations intimes sur la vie, les relations interpersonnelles, l’intimité, l’amour et la compréhension des autres avec « le soi de la femme ». Céramique dorée de formes florales et vulvaires, sa nouvelle série « Our God is Great » répond à celle, plus ancienne, du même nom. Alors que la première évoquait, à travers la couleur noire, l’incapacité ou la difficulté à se révéler, s’exprimer, celle-ci est au contraire éclatante, « soulignant l’importance de la « lumière » – illuminant le pouvoir de la conscience des femmes par tout le spectre de leur féminité, ce qui leur permet de répondre à leurs besoins et leurs désirs ».

L’artiste se joue des formes rigides et traditionnelles, les formes géométriques basiques sont délibérément masquées par l’artiste. Liu Xi réfute la rigidité standardisée, incarnée par les lignes droites et angles vifs, « qui ont été privilégiés par des générations entières et qui causent douleur et inconfort aux autres ». Ainsi, draper ces figures devient une ode à la libre circulation de la vie et de l’intuition, accueillant les questions et les doutes des esprits curieux sur l’état actuel des choses.

Sa série « 2020 » rend compte d’une année passée dans un état d’auto-isolement et d’incertitude dans le monde. Liu Xi a utilisé des bouteilles en porcelaine traditionnelles « pour couper, déformer et réorganiser… générer une nouvelle pour contenir et transporter les émotions actuelles, telles que l’anxiété, la folie, l’inconnu, la panique, le malaise et l’espoir ». L’utilisation d’un élément naturel, vivant – de la mousse – allié au minéral, vient connoter les nuances éclatantes d’un vert, porteur d’espoir, d’un temps qui passe.  

Lutte ou alliance, chacune de ses œuvres incarne un soulagement. « Il y a point douloureux, puis lorsqu’il est atteint, je me sens mieux, libérée. J’utilise l’argile, la porcelaine pour transformer mes informations, mes émotions… Pour dépasser ce point de douleur et atteindre cette sorte de libération. Et je pense que chaque sculpture résonne avec les peines, les interrogations de chacun-e. »

Par Caroline Boudehen

Liu Xi (1986) est diplômée du département de sculpture de l’Académie Centrale des Beaux-Arts de Pékin, et travaille entre Shanghai et Jingdezhen. Elle a participé à de nombreuses expositions en Chine et à l’étranger (Portugal, Norvège, Espagne, Corée, Royaume-Uni). Ses œuvres sont entrées dans les collections publiques du Musée de la Céramique de New Taipei City Yingge à Taïwan, de l’Ajuntament del Vendrell en Espagne, du Musée de la Céramique de L’Alcora à Valence (Espagne) et du Centre des Arts de la Céramique de Gaya à Bali (Indonésie). Une sélection de ses œuvres est exposée jusqu’au 22 août au Pearl Art Museum à Shanghai, au sein de l’exposition collective « From Clay to Words: Ceramics as Media ».

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