Connu pour sa pratique pyrotechnique spectaculaire, l’artiste et scénographe Cai Guoqiang ne transforme pas le plomb en or, mais presque. Concevant ses œuvres à partir de poudre à canon et de feux d’artifice, il réalise performances, sculptures, peintures et vidéos. Un univers protéiforme détonnant.
Actuellement exposé dans le nouveau Museum of Art Pudong (MAP) à Shanghai, Cai Guoqiang confirme sa renommée internationale. Ouvert au public le 8 juillet dernier, le MAP, signé par Jean Nouvel, a été inauguré avec une sélection d’œuvres issues de collections prestigieuses – Tate Britain et Fondation Miro – et une exposition personnelle consacrée à Cai Guoqiang.
« Encounter with the Unknown », sa toute nouvelle installation monumentale (près de 30 mètres de haut), trône en majesté dans le hall d’entrée, et vient symboliser l’alliance de l’Histoire avec les histoires, des traditions avec l’innovation, le familier et l’étranger… Un arbre « cosmique », machinerie cinétique qui tisse cosmologie et mythes issus de différentes civilisations, et qui prend pour forme le castillo (armature depuis laquelle sont lancés les feux d’artifice au Mexique). Des thèmes qui incarnent en une œuvre unique les fils directeurs de toute une carrière – le voyage, l’intérêt pour l’histoire de l’art, les peuples et ses cultures – activés grâce à son matériau de prédilection : la poudre à canon.
Depuis l’adolescence, Cai Guoqiang est fasciné par les explosifs. Témoin des effets sociaux de la Révolution culturelle, il a grandi dans un environnement où les explosions étaient courantes (manifestations, défilés, célébrations…) Il a « vu la poudre à canon utilisée à la fois dans le bon et le mauvais sens, pour détruire et reconstruire ».
Il commence à expérimenter la poudre noire dans sa ville natale de Quanzhou, à travers dessins et sculptures éphémères, puis continue à explorer ses propriétés au Japon de 1986 à 1995, période où ses expériences deviennent des performances d’ampleur (« Projets pour les extraterrestres » (1990)). Il partira ensuite s’installer à New-York pour y vivre. S’appuyant sur la philosophie orientale et les problèmes sociaux contemporains, ses œuvres, souvent spécifiques à un site, répondent à la culture et à l’histoire.
Son actuelle exposition au MAP, « Odyssey and Homecoming », provient du récent voyage de l’artiste à travers l’histoire de l’art occidental. Via une série d’expositions dans de célèbres musées du monde entier, Cai Guoqiang converse avec les périodes de l’histoire de l’art représentées par les collections emblématiques de ces institutions.
Il a, entre autres, retracé les civilisations grecques et romaines antiques au Musée national d’archéologie de Naples et les ruines de Pompéi, dialogué avec la Renaissance italienne aux Galeries des Offices, l’Âge d’or espagnol et l’Art baroque au Musée du Prado, et le modernisme au musée Solomon R. Guggenheim.
Au cœur de son travail, une question rayonne : peut-on unifier l’histoire de l’art et des civilisations dans un monde replié sur lui-même, agité par le chauvinisme ?
Cai Guoqiang (né en 1957, Quanzhou, Chine) a été formé en scénographie à l’Académie de théâtre de Shanghai. Son œuvre est pluridisciplinaire (dessin, installation, vidéo, réalité virtuelle, performance). Il a reçu de nombreux prix, dont le Lion d’or à la Biennale de Venise en 1999, le Hiroshima Art Prize en 2007 et le Fukuoka Asian Culture Prize en 2009. En 2012, il a reçu la première Médaille des Arts du Département d’État des États-Unis pour son engagement exceptionnel en faveur des échanges culturels internationaux.
Ses récents honneurs incluent le Barnett and Annalee Newman Foundation Award (2015), le Bonn Prix efanten pour l’art contemporain (BACA), les Japan Foundation Awards et l’Asia Arts Award Honoree en 2016, et le prix Isamu Noguchi 2020. L’artiste a également été directeur des effets visuels et spéciaux pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques d’été de 2008 à Pékin.
Ses nombreuses expositions personnelles et projets au cours des trois dernières décennies incluent « Cai Guoqiang on the Roof : Transparent Monument » au Metropolitan Museum of Art, New York en 2006 et sa rétrospective « I Want to Believe » au Solomon R. Guggenheim Museum, New York (2008). Son exposition personnelle Da Vincis do Povo a été présentée dans trois villes du Brésil en 2013. Ces dernières années, il s’est lancé dans « Individual’s Journey Through Western Art History », une série d’expositions personnelles dans des musées de renommée mondiale, en dialogue avec l’histoire de l’art occidental.
IG: @caromaligne
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