Ces derniers mois, l’Etat souhaite mettre fin à sa politique en place depuis 2011, d’ achat public du coton à prix garanti (prix double du cours mondial en 2013), en le faisant repasser sous la loi du marché, quitte à offrir une prime de 2000¥ par tonne au fermier en cas de chute du cours en dessous d’un prix plancher.
Or, le Xinjiang, qui produit 60% du coton national, n’a pas obéi. Pour 2014/15, son prix public a été fixé à seulement 3% en dessous du niveau de 2013/14, à seule fin de protéger ses fermiers.
La rébellion tient au système agraire spécifique au Xinjiang, dans lequel la composante politique est forte. En effet, la production est encadrée par une « compagnie » au sens économique et militaire : le XPCC (Xinjiang Production & Construction Corps), ensemble de villages de l’armée installés sur les meilleures terres de la région. Ces « bīngtuán, 兵团 » emploient 200.000 paysans majoritairement venus d’autres provinces, ancrant ainsi un peuplement de souche Han en terre ouïgoure. Ils servent aussi à la défense du territoire, et sont par conséquent, un puissant lobby – force irremplaçable contre le séparatisme intégriste. 1er producteur de denrées telle la tomate ou le coton (30% de la récolte chinoise), le XPCC pèse 17% du PIB territorial.
Mais en s’arc-boutant à un prix 50% supérieur au cours mondial (et 500¥ par tonne plus élevé qu’ailleurs en Chine), le XPCC n’avait écoulé mi-décembre qu’environ 20% de sa récolte de 1,76 millions de tonnes. Le PDG Liang Dongya accusait la « très sérieuse chute de la demande », la saturation des marchés textiles à l’export. Mais les experts n’y croient pas car la demande est bien là : les usines textiles chinoises ont importé 1,5 million de tonnes de coton, à 50% moins cher.
On assiste donc à un bras de fer entre niveau local et central, renforcé par la tradition immémoriale au sein du XPCC, de vivre des subventions. XPCC pourrait donc réclamer à la fois le maintien du statu quo—Pékin, forcé, subventionnerait la vente de sa récolte—et d’autres subventions, pour réemployer une partie de ses 200.000 paysans. Pour le Xinjiang et la Chine, l’enjeu est doublement important. D’abord, moins de coton et moins de subventions apaiseraient les tensions ethniques. De plus, la dérégulation du coton doit précéder celle d’autres cultures, telles toutes les céréales, produites depuis 1949 sur base non-commerciale. L’agriculture chinoise entière se retrouverait de facto privatisée. Une affaire à suivre de près.
Sommaire N° 8 (XX)