Environnement : Forêt—une coupe à blanc de trop

En 2008, au Fujian, la compagnie Hengxing fit raser par des paysans deux hectares de forêt du mont Hulu, pour exploiter le granit du sous-sol*. Trois ans après, 3 des 4 patrons de Hengxing furent condamnés de 14 à 18 mois de prison pour « occupation illégale de terrain agricole » – toute l’opération s’était déroulée sans permis. 

La nouvelle prend son importance début janvier, quand deux organisations écologiques, « Fujian maison verte » (de Fuzhou) et « Amis de la nature » (de Pékin) assignèrent Hengxing en justice et virent la plainte acceptée—c’était une première. Depuis, une cour du Shandong a enregistré deux autres plaintes du même type, déposées par la Fédération Nationale de l’Environnement

Ce succès faisait suite à des années de pressions, et à un refus sec de la machine judiciaire qui alléguait une lacune dans la loi, dans la définition des personnes juridiques habilitées à dénoncer un délit environnemental. En 2014, « Amis de la nature » et la Fédération s’étaient vus déboutés 10 fois.
Le tournant vint de l’amendement à la loi de l’Environnement, en vigueur au 1er janvier 2015, renforçant les sanctions aux pollueurs graves. Il vint aussi de l’interprétation donnée par la Cour Suprême ce même mois, habilitant les ONG à se porter partie civile, même anticipativement, en cas d’attaque à l’environnement, pour peu qu’elles prouvent le danger pour la société.
Le procès Hengxing est fixé à mars. Les plaignants espèrent voir les accusés condamnés à payer les frais de réhabilitation de la forêt, soit 1 à 2 millions de ¥, selon l’expert. Mais surtout, ils se préparent à exploiter cette « fenêtre de tir » pour conscientiser toute la Chine et encourager partout citoyens et ONG à poursuivre les pollueurs. 

Mais qu’on ne s’y trompe pas : derrière toute l’affaire, en filigrane, agissent l’Etat et la politique. Les écologistes sont « autorisés » à donner de la voix contre les pollueurs. Leurs associations peuvent même être créées : la Fédération est une émanation du ministère. Les écologistes le savent bien, l’Etat Central agit pour prévenir une explosion de colère face à la pollution.
Mais en face, les provinces pédalent en sens inverse, soucieuses de préserver ces industries polluantes qui alimentent leurs budgets. Aussi, la défense de l’environnement en Chine reste à des années lumières de devenir un contre-pouvoir. L’essentiel à faire, étant que les juges choisissent les procès selon la loi et non selon les directives du « comité judiciaire » à leurs côtés…(vdlc n°5)
* cette histoire est tirée d’une excellente enquête de Reuters (10/02)

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