Editorial : Vol au-dessus de colosses chinois

Surprise, le 28/01 : Alibaba, 1ère galerie marchande virtuelle du pays, est attaquée par la SAIC, tutelle du commerce et de l’industrie. 60% des produits testés sur son site en 2014, se sont avérés être des faux. La SAIC aurait différé la critique, pour ne pas compromettre l’entrée d’Alibaba en bourse de New York en septembre dernier (où le groupe avait amassé 25 milliards de $). Mais cette révélation de la SAIC fit tout de même des vagues. A peine la nouvelle connue, un groupe d’actionnaires américains lançait contre Alibaba une « class action » judiciaire, lui reprochant d’avoir tu un fait essentiel, lors de leur décision d’investir. 

<p>Sans délai, Jack Ma, CEO fondateur d’Alibaba, se défendit alors « bec et ongles » face à cette critique de l’Etat- car, avec 2000 employés et 161 millions de $ injectés depuis 2013 dans la lutte contre le piratage, Alibaba a fait tout son possible pour éradiquer les pratiques malsaines. Puis le débat s’arrêta après 3 jours, évidemment sur ordres supérieurs. Comme pour enterrer l’affaire et aller de l’avant, Alibaba annonça la signature d’une entente financière avec le géant américain Lending Club, et sa filiale Taobao obtint à Pékin le droit exceptionnel de débuter une expérience de messagerie par drone (cf photo). Pour les experts, les soucis d’Alibaba avaient des causes politiques plus que commerciales. Parmi les investisseurs du groupe en bourse de NY, comptait un petit-fils de l’ex-Président Jiang Zemin, qui revendait toutes ses parts à la veille de la frappe de la tutelle SAIC… 

Puis le 30/01, intervint le cas de Mao Xiaofeng, le jeune Président (42 ans) de la banque privée Minsheng, emmené par la CCID, police du Parti, après avoir démissionné « pour raisons personnelles ». Mao – les langues se délient vite – aurait été en lien avec l’épouse de Ling Jihua, le bras droit de Hu Jintao (le prédécesseur de Xi Jinping). A cette femme, comme à une douzaine d’autres proches de hauts cadres, Mao aurait versé un cachet, pour la seule tâche de déplacer chaque mois de forts montants d’une banque à l’autre, dans le but de compliquer la tâche des vérificateurs aux comptes. Dans la foulée, le 03/02, le prédécesseur de Mao, Dong Wenbiao, dément être sous investigation pour le même chef d’accusation, et Lu Haijun, un des directeurs de la Banque de Pékin est emmené le 02/02. Cette série d’arrestations fait présager, pour certains, un tournant de la campagne anticorruption vers le secteur financier – peut-être pour permettre au pouvoir de reprendre contrôle sur la dette galopante des corporations chinoises (une des plus élevées du monde, à 125% du PIB selon McKinsey). D’autres en doutent : à ce jour, seules les banques de second rang avec fonds privés sont touchées, tandis que les quatre « grandes sœurs » demeurent en paix.
Le cas d’Alibaba peut inspirer une autre conclusion : vis-à-vis des colosses économiques chinois, l’intérêt de l’Etat est en train de changer. Il y a 20 ans, il s’agissait de protéger leur émergence pour donner à la nation la chance d’être un acteur dans des secteurs stratégiques. Désormais, c’est fait, et le défi est autre : les ouvrir à la concurrence et leur faire respecter la loi. Avec eux donc, une césure s’opère, un autre type de rapports émerge, plus mature.

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