Editorial : Valls en Chine – une rencontre au beau fixe

Au 1er ministre français Manuel Valls, les 29-31/01, Pékin réserva tous les honneurs, salué par le Président Xi Jinping, son homologue Li Keqiang et Zhang Deqiang, Président du Parlement, les trois grands édiles de la République populaire de Chine. Comme le remarqua J.P. Raffarin, l’ex-1er ministre également du voyage, «  les Chinois ont un œil sur les jeunes politiciens étrangers de talent : ils voient leur avenir et visent sur le long terme ». 

Au cours de son périple, Valls visita de nombreux sites, tels la chaîne d’Airbus A320 (Tianjin), le centre de R&D Michelin (Shanghai), le site Wangjing-Soho (Pékin), équipé par Schneider Electric. Entre France et Chine, le beau fixe régnant depuis deux ans, permettait à Valls de viser deux objectifs :
– le « rééquilibrage » des échanges, qui se faisaient en 2014 à 2,5 contre 1 en faveur de la Chine, causant un déficit français de 26 milliards d’€. L’estimant « insoutenable », Valls réclamait plus d’ouverture aux produits français. Li répondit que son pays ne souhaitait pas voir ce déséquilibre s’aggraver, et agirait pour le résorber. De bonnes paroles certes, mais aussi, 11 chantiers furent signés par de grands groupes, 
– l’ environnement. Une majorité des 11 projets signés à Pékin touchent à sa protection, par la décarbonisation de l’économie : via le nucléaire ( EDF avec CGN), les énergies renouvelables ( GDF-Suez avec SCEI, Sichuan), la pile à combustible ( Air Liquide avec SAIC) ou la création d’un parc-prairie (agence AFD avec la province du Shanxi). 

Surtout fin novembre, Paris accueillera la conférence COP 21 de l’ONU contre le réchauffement climatique. En cas d’accord, chaque nation dès 2020 devrait respecter des engagements de coupe d’émissions de CO2. A ce jour, la Chine a toujours refusé, prétendant laisser les pays « riches » fermer leurs usines. Mais les choses changent : Pékin sait qu’avec 40% des émissions mondiales, elle a atteint un niveau insupportable, même pour son peuple (1,5 million de décès par an en maladies respiratoires). Aussi depuis 2013, Pékin et Paris échangent et se préparent au COP 21 : convaincus que s’ils réussissent à créer une position commune entre Chine et Union Européenne, les Etats-Unis et le monde devront suivre.
La visite fut pour Pékin l’occasion d’ un signal discret mais essentiel : Chen Jining, le jeune (50 ans) Président de l’université Tsinghua, environnementaliste convaincu et favorable au COP 21, fut nommé « Secrétaire du Parti » au ministère de l’Environnement. Un poste qui invariablement s’accompagne de celui de ministre. Or le titulaire Zhou Shengxian (homme associé aux politiques négatives de la dernière décennie), à 65 ans, est sur le départ. 

Le dernier jour pékinois Valls, qui avait exprimé le vœu de rencontrer six intellectuels locaux sur terrain neutre (au centre culturel privé Yishu 8), vit tous ces invités se « désister » un à un. Comment faut-il comprendre cette péripétie? Bien sûr, la Chine a interdit cet échange – délicat en temps normal, et impossible au cœur de l’actuelle campagne de rectification de Xi Jinping. Mais en dévoilant un tel projet 15 jours à l’avance, peut-être Valls a-t-il forcé Pékin à réagir, ce qui lui a donné l’occasion, auprès de Li Keqiang, d’un dialogue approfondi sur les droits de l’Homme ? Un terme qui cristallise l’ambiguïté et la subtilité de la relation franco-chinoise!

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